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Sortir l’anorexique de l’impasse

L’hospitalisation dans une unité de pédopsychiatrie devient la solution pour réenclencher le développement.

La prise en charge d’une jeune anorexique comporte toujours un volet somatique et un psychiatrique. La plupart du temps en ambulatoire. Mais s’il y a résistance au traitement ou de graves complications (forte dénutrition, ralentissement psychomoteur, problèmes cardiaques, dépression), l’hospitalisation s’avère nécessaire. Selon les situations, elle a lieu en pédiatrie ou en pédopsychiatrie. Le Dr Rémy Barbe, responsable de cette dernière unité (9 lits) explique: « Ces jeunes filles n’arrivent plus à faire face aux enjeux de l’adolescence, notamment les transformations du corps et des relations. Dans cette période d’individuation, elles ont des difficultés à dire non. L’opposition autour de la nourriture peut devenir un enjeu de pouvoir avec les parents.»

Mettre de la distance

Une hospitalisation peut être une opportunité de couper avec l’impasse générée par l’arrêt alimentaire. En aménageant la distance, par la séparation, la jeune fille peut reprendre son développement. A l’hôpital, elle trouve une équipe multidisciplinaire composée de médecins, psychologues, art- et ergothérapeutes, psychomotriciens et infirmiers. Chaque professionnel peut proposer une médiation différente: participer à un psychodrame, se relaxer, cuisiner, s’exercer avec un ballon, jouer au baby-foot, etc. « L’objectif est de leur proposer des activités pour qu’elles retrouvent du plaisir à faire quelque chose avec l’autre. Nous leur redonnons un espace qu’elles peuvent progressivement réinvestir. Pour certaines, le passage à l’hôpital est vécu comme une renaissance. Elles réenclenchent leur développement et sortent de l’impasse », note le Dr Barbe.

Parents associés

Une hospitalisation qui dure le plus souvent des semaines, voire des mois et où les patientes anorexiques côtoient des jeunes souffrant d’autres pathologies: troubles du développement, état d’agitation excessive (crise clastique), problèmes suicidaires, psychotiques ou de la personnalité. « La variété est une richesse. Un exemple: en observant un patient se fâcher contre un soignant, la jeune anorexique voit ce qu’elle pourrait avoir envie de faire, alors qu’elle a tendance à manifester sa colère autrement », explique le pédopsychiatre. Les parents ne sont pas oubliés. Ils sont associés au traitement et vus chaque semaine pour accompagner, parler de la dynamique familiale et leur offrir du soutien. « Un enfant qui ne mange pas, c’est terrible pour les proches », insiste le Dr Barbe. Après ce long séjour hospitalier, la jeune n’est pas « lâchée » dans la nature. Elle se voit proposer un suivi ambulatoire mixte somatique et psychologique. Ce dernier peut être organisé au sein de l’unité ambulatoire péri-hospitalière ou associé à un programme de trois mois (renouvelable) en hôpital de jour.

A travers des activités (ici jouer au Puissance 4), le but est que le jeune retrouve du plaisir à faire quelque chose avec l’autre.

Suivi ambulatoire

L’unité ambulatoire péri-hospitalière (UAPH), sise à la rue Verte, propose aux adolescents souffrant d’un trouble du comportement alimentaire, aussi bien d’anorexie que de boulimie ou d’hyperphagie boulimique, une large palette de soins psychothérapeutiques. Du suivi individuel à la psychothérapie groupale en passant par les suivis familiaux ou les psychodrames analytiques. « Il s’agit d’une thérapie où on met en scène des aspects de la vie du patient pour mieux les comprendre. Nous voulons l’aider à être proche d’un monde émotionnel qu’il cherche à mettre de côté », explique le Dr Dante Trojan, médecin adjoint, responsable de l’UAPH, qui intervient avant, après une hospitalisation ou en soutien d’un pédiatre. Les prises en charge se déclinent sur plusieurs mois avec des rendez-vous réguliers chaque semaine. Dans un premier temps, il faut tisser une alliance thérapeutique pour que le jeune se sente en confiance, puis cheminer ensemble. « Notre expertise est liée à notre grande pratique, mais nous sommes toujours dans du cas par cas. Derrière chaque personne ou symptôme, il y a un fonctionnement différent et une histoire individuelle, unique et transgénérationnelle. Un suivi familial accompagne toujours les enfants », précise le pédopsychiatre.

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