Texte: 

  • Yseult Théraulaz

Photos: 

  • Davide Bonazzi

Surmonter la crise suicidaire après une hospitalisation brève

L'Unité hospitalière du Service de psychiatrie de liaison et d’intervention de crise accueille jusqu’à dix personnes en grande détresse psychologique. Au bout de cinq à sept jours, elles repartent avec un suivi thérapeutique planifié et l’espoir de jours meilleurs.

Lorsque rien ne va plus, que la vie semble maussade et que le désespoir s’installe, il est important de savoir qu’une aide existe et qu’il convient de ne pas rester seul ou seule. Comme le dit Stromae dans « L’Enfer », chanson de l’artiste belge évoquant ses idées suicidaires : « J’suis pas tout seul à être tout seul, ça fait déjà ça de moins dans la tête. »

Effectivement, l’artiste est loin d’être seul. Aux HUG, chaque année, l’Unité de crise du Service de psychiatrie de liaison et d’intervention de crise accueille environ 350 patients et patientes en crise suicidaire, soit ayant des idées morbides, soit ayant commis un geste dans le but de se faire du mal, voire de mettre fin à leurs jours. « Ce qui est déterminant, ce n’est pas tant la gravité du geste effectué que l’intention suicidaire », explique le Dr Paco Prada, médecin responsable de l’unité. « Les personnes qui nous sont adressées sont très vulnérables au moment de leur hospitalisation. Elles vivent une crise importante», poursuit-il. Pour le spécialiste, celle-ci se présente comme une rupture abrupte de l’équilibre de la personne : « Il existe plusieurs types d’équilibres, affectif, social, professionnel et psychique, entre autres. Lorsqu’un déséquilibre survient dans un domaine, mais que la personne arrive à compenser avec les autres, il n’y a pas de crise. Par exemple, lors d’une rupture amoureuse, si la personne est bien entourée ou qu’elle s’épanouit au travail, elle devrait surmonter cette épreuve sans perdre totalement pied, ce qui ne sera pas forcément le cas si elle est isolée et sans emploi. »

Une prise en charge intensive

Les personnes qui arrivent dans l’unité de crise sont toujours adressées par des médecins (généralistes ou psychiatres de ville), qui les ont préalablement évaluées, ou par les urgences psychiatriques. Si la durée d’hospitalisation est brève, entre cinq et sept jours, le soin, lui, est intensif : deux entretiens psychothérapeutiques par jour et un entretien de couple ou de famille. « Nous commençons par une phase d’accueil : nous faisons connaissance avec la personne, sa situation, sa détresse et les symptômes dont elle souffre. Nous lui expliquons le fonctionnement de l’unité. Dans un deuxième temps, nous cherchons à comprendre le facteur de crise qui l’a menée à la rupture d’équilibre et travaillons avec elle sur les raisons de son geste. Pendant cette phase, il y a un besoin de reconnaissance de la souffrance. Passé ce stade, nous lui proposons un travail de synthèse et de reformulation de ce qui lui est arrivé. C’est là que nous parvenons à rétablir un certain équilibre personnel. La personne n’est alors plus uniquement une victime, mais devient aussi actrice », détaille le Dr Prada. Les patients et patientes bénéficient aussi de séances de psychomotricité. « Il s’agit d’une approche corporelle dans laquelle nous abordons le vécu corporel, l’intégration du corps dans le vécu. Cette approche permet de mettre en scène, par exemple, l’expression physique de certaines émotions comme la colère et la tristesse », poursuit l’expert.

À la fin de ces trois temps de prise en charge, l’équipe pluridisciplinaire propose de mettre en place le suivi thérapeutique afin que la personne reparte avec des rendez-vous agendés et qu’elle puisse reprendre sa vie avec l’espoir de jours meilleurs.

1000

personnes se suicident chaque année en Suisse, environ 50 dans le canton de Genève.

20-50x

plus de tentatives de suicide que de suicides aboutis.

Environ
540 000

personnes ont exprimé des idées suicidaires dans les deux semaines qui ont précédé la réponse au questionnaire de l’Enquête suisse sur la santé de 20171.

1 obsan.admin.ch

6,3 ♀/18 ♂

Le taux de suicide en Suisse est de 6,3 femmes pour 100 000 et de 18 hommes pour 100 000.

12-24

Les personnes ayant fait une tentative de suicide sont particulièrement à risque de réitérer leur geste dans les 12 à 24 mois suivant le premier épisode.

50%

des personnes ayant fait une tentative de suicide souffrent de dépression, 25 % consomment des substances toxiques.

Témoignage

« Savoir que cette unité existe m’aide à surmonter les moments difficiles »

Lauriane* a été prise en charge à deux reprises dans l’Unité hospitalière des HUG. « J’ai d’abord été admise aux soins intermédiaires, puis l’équipe m’a proposé de m’hospitaliser. Je n’ai pas compris tout de suite pourquoi, car je me sentais tellement mal physiquement à cause de ma tentative de suicide que je ne voyais pas l’urgence de s’occuper de l’aspect psychologique. » Cette première hospitalisation a permis à la trentenaire de faire un travail sur soi et de comprendre son geste : « Pendant le séjour, le suivi psychiatrique est très intense, cela permet d’avancer rapidement. » Quelques mois plus tard, la jeune femme décide de retourner à l’unité sans attendre de commettre à nouveau une tentative de suicide. « Savoir que cette unité existe m’aide à surmonter les moments difficiles. L’équipe soignante est formidable. Nous nous sentons à la fois protégés, mais aussi poussés à agir pour nous en sortir. Ma famille a participé à un entretien et elle est depuis très présente à mes côtés. »

* Prénom d’emprunt.

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  • Yseult Théraulaz

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