Les personnes qui ont perdu un ou une proche dans des circonstances éprouvantes sont conviées à un atelier d’accompagnement avec des infirmières et une psychologue.
Le décès d’une personne aimée n’est jamais anodin et il est tout à fait normal d’avoir besoin de temps avant de parvenir à reprendre ses habitudes de vie. Cependant, lorsque la mort est survenue dans des circonstances particulièrement éprouvantes et brutales (après un accident de la route, par exemple), le processus de deuil peut être plus compliqué et les personnes endeuillées risquent d’en souffrir, psychologiquement et physiquement.
Mettre des mots sur son vécu
Fortes de ce constat, deux infirmières spécialisées dans le don d’organes et une psychologue clinicienne ont mis sur pied des ateliers pour les familles et proches à risque de vivre un deuil complexe. «Un processus de deuil habituel prend du temps, mais deux ans après le décès, les proches parviennent généralement à retrouver un quotidien permettant d’avoir des interactions sociales et professionnelles satisfaisantes. Dans le cas de deuils complexes – évalués par un système de score spécifique –, les personnes endeuillées développent des troubles qui durent et altèrent leur qualité de vie», explique Stéphanie Brousoz, infirmière spécialisée à la Coordination du don d’organes.
Parmi eux : troubles du sommeil ou alimentaires, irritabilité, problèmes comportementaux, consommation problématique d’alcool, de tabac ou de médicaments, avec des conséquences potentiellement sérieuses comme l’hypertension artérielle ou encore des problèmes cardiovasculaires. «Avec les ateliers proposés, les personnes concernées peuvent s’autoévaluer et mettre des mots sur ce qu’elles ont vécu. Notre but est de prévenir la survenue de pathologies physiques ou psychiques suite à la mort du ou de la proche. Nous invitons donc les familles à une séance dans le mois, voire dans les deux mois qui suivent», poursuit l’infirmière.
Espace de partage
Bien que Stéphanie Brousoz et sa collègue Sandrine Flatrès-Delorenzi soient toutes les deux infirmières spécialisées dans le don d’organes, leur atelier ne s’adresse pas uniquement aux proches de personnes donneuses. «Les familles des patients et patientes décédées aux soins intensifs font aussi partie de celles que nous contactons», explique Stéphanie Brousoz. En plus de profiter d’un espace de parole et de partage avec d’autres personnes touchées par une telle épreuve, les participantes et participants aux ateliers reçoivent un flyer indiquant des ressources mobilisables pour obtenir une aide à plus long terme : institutions, associations, thérapeutes, lectures, etc. «Un ou une patiente qui développe un diabète obtient des informations pour apprendre à traiter sa maladie, alors qu’une personne qui perd un ou une proche aux soins intensifs ne recevait, jusqu’à la mise en place de nos ateliers, aucune aide pour cheminer dans son deuil. La séance à laquelle elle est conviée s’apparente à un véritable soin», précise Sandrine Flatrès-Delorenzi.
À noter que chaque séance a lieu en présence des deux infirmières et de la psychologue clinicienne Catherine Vernay.
«Cet atelier m’a permis de sentir que je n’étais pas seul»
Jacques a perdu son épouse en fin d’année dernière. «Elle a fait une terrible chute qui a causé une hémorragie cérébrale», explique l’octogénaire. Invité à l’atelier sur le deuil complexe un mois après la disparition de sa femme, il a tout de suite apprécié la démarche. «Nous n’étions que six personnes lors de la séance. Nous étions tous touchés par un drame similaire. J'ai pu échanger avec les autres et sentir que je n’étais pas seul. La psychologue nous a bien expliqué les phases du deuil tragique. Je me suis procuré un des livres qu’elle a suggérés et sa lecture m’a aidé. Je suis bien entouré par mes amis et mes filles, mais cet atelier était vraiment utile. Je serai même intéressé à participer à une nouvelle séance pour partager à nouveau ce que je ressens et voir comment nous avons évolué.»
Texte:
- Yseult Théraulaz
Photos:
- Keith Negley