Une des caractéristiques du Covid-19 est la grande variété des complications possibles. Une équipe des Hôpitaux universitaires de Genève s’est penchée sur des cas d’encéphalopathie se manifestant par des comas ou des délires, touchant au minimum 4% des patients hospitalisés suite à une infection au SARS-CoV-2. Ils les attribuent à une perturbation du cerveau impliquant une inflammation des vaisseaux sanguins cérébraux.
Parmi les cas graves associés au Covid-19, certains malades tombés dans le coma ne se réveillent que très difficilement, même une fois le système respiratoire guéri, et d’autres manifestent un délire. Le Dr Gilles Allali, médecin adjoint agrégé au service de neurologie des HUG, et son équipe ont été les premiers à faire le lien entre ces deux types de symptômes.
Le 10 mai 2020, vers la fin de la première vague à Genève, 707 patients étaient hospitalisés pour le Covid-19 aux HUG. Parmi eux, 31 (soit environ 4%) présentaient une encéphalopathie aiguë se traduisant soit par un coma prolongé, soit par des signes de délire. En étudiant ce groupe de malades, l’équipe du Dr Allali a émis une hypothèse. «Avec une combinaison d’imagerie par résonance magnétique, d’électro-encéphalogrammes et de prélèvements du liquide céphalo-rachidien, nous avons des arguments en faveur d’une inflammation impliquant les vaisseaux sanguins cérébraux pour expliquer cet état neurologique. Pour confirmer ces observations, il faudrait des analyses directes qui ne sont possibles qu’avec des autopsies, mais nous avons maintenant un faisceau de preuves assez solide», relève le Dr Allali. De plus, ces complications neurologiques ont été associées à une augmentation d’accidents vasculaires et de micro-saignements cérébraux.
Franchir la barrière sang/cerveau
Reste à savoir comment le Covid-19 peut affecter de cette manière le cerveau. Cet organe est considéré comme un sanctuaire protégé par une enveloppe relativement hermétique, la barrière hémato-encéphalique (sang/cerveau), qui bloque efficacement le passage des pathogènes et de l’inflammation. Le virus SARS-CoV-2 ne semble pas traverser ce barrage. Par contre, l’inflammation provoquée par l’infection le fragilise, ce qui permet le franchissement de petites protéines utilisées par notre corps pour gérer les inflammations. Ces protéines, appelées cytokines, semblent donc être en lien avec la perturbation du cerveau. C’est cette «sur-réaction» du système immunitaire qui met le cerveau en danger, alors même que l’infection au Covid-19 semble maîtrisée.
La voie vers un traitement efficace
Ces nouveaux résultats, obtenus grâce au soutien de la Fondation privée des HUG, et à une collaboration multidisciplinaire impliquant les services de neurologie, neuroradiologie, médecine interne générale, soins intensifs et gériatrie des HUG, ont été publiés le 20 mars dans la revue Journal of Medical Virology. Ils offrent une meilleure compréhension des complications neurologiques du Covid-19 et ouvrent la voie à des traitements plus efficaces. L’administration d’anti-inflammatoires puissants, des stéroïdes par exemple, peuvent limiter l’inflammation et protéger le cerveau. Un tel traitement a d’ailleurs déjà été appliqué avec succès aux HUG lors d’encéphalopathie aiguë liée au Covid-19.
Texte:
- Frédéric Pont
Photos:
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