Texte: 

  • Laetitia Grimaldi

Photos: 

  • David Wagnières

Une parenthèse « comme à la maison » en psychiatrie gériatrique

Baptisé « Espace Partenariat », ce lieu de soins inédit a été inauguré en mars dernier au sein du Service de psychiatrie gériatrique des HUG.

Un coin cuisine, une grande table; pas loin, une bibliothèque, un bureau, un ordinateur, une machine à coudre, de quoi peindre, dessiner ou encore tricoter : voici quelques-uns des ingrédients de l’Espace Partenariat désormais présent au sein du Service de psychiatrie gériatrique des HUG. Mais le concept de ce nouveau lieu – qui a bénéficié du soutien de la Fondation privée des HUG – va bien au-delà d’une ambiance cosy, puisqu’il s’agit surtout d’un espace de soins pas comme les autres.

Et pour cause, sur la base de l’activité choisie, c’est toute une équipe qu’il faut imaginer œuvrer avec la personne hospitalisée. Peuvent ainsi se retrouver proches, médecins, psychologues, personnel infirmier, aides-soignants ou soignantes, physiothérapeutes, ergothérapeutes, spécialistes en psychomotricité, assistantes ou assistants sociaux, ou encore aides à domicile. L’enjeu ? "Créer un environnement convivial et sécurisant propice à l’élaboration d’un projet de soins et de vie", résume Véronique Baudinat, ergothérapeute au Service de psychiatrie gériatrique des HUG et à l’initiative du projet.

Des moments extrêmement précieux

Cette parenthèse créative et vivante met en lumière les capacités résiduelles de la personne et ses besoins, souvent obscurcis par la maladie et au-delà des mots. "Cet espace est un outil de soins en soi. Il offre des indications extrêmement précieuses sur les aptitudes de la personne et la façon dont elle s’organise au quotidien, ce que nous pouvons observer en tant qu’ergothérapeutes, notamment lors des visites à domicile. En conviant le réseau de soins, l’idée est que l’ensemble des protagonistes en soit directement témoin pour la prise en charge globale de la personne", souligne Jérémy Favre, responsable d’équipe Pluriprofessionnels de la santé (PPS) du Département de psychiatrie des HUG.

Pour la personne et ses proches

Les bienfaits qui en découlent peuvent aller plus loin encore. "Pour la personne elle-même, l’activité vécue dans ce lieu permet ainsi de travailler sur l’estime de soi, l’acceptation du regard des autres ou encore sur les symptômes liés à la maladie psychique. Pour les proches, elle peut être l’occasion de voir autrement la personne malade, de prendre conscience de l’aide offerte par le réseau de soins, mais également de se rendre compte de certains automatismes qu’eux-mêmes ont développés", poursuit Jérémy Favre.

Car, bien souvent, la maladie psychique enferme la personne et ses proches dans des habitudes se muant en cercle vicieux. "Cet espace peut révéler un ensemble de fonctionnements à l’origine de souffrances intrafamiliales", note Maxime Delbert, coordinateur de la filière ergothérapie des HUG. Et d’ajouter : "Ce projet illustre un changement de paradigme en cours dans le domaine de l’ergothérapie. Il renforce l’idée que les activités proposées doivent être le plus porteuses de sens, concrètes et significatives possible. Ainsi, à travers elles, les comportements peuvent être révélés et transformés." Et Véronique Baudinat de conclure : "Dans un contexte souvent compliqué d’hospitalisation, ce qui se vit dans cet espace peut avoir une portée inouïe en faisant renaître un espoir et des perspectives auxquelles on ne croyait plus."

LISE, 86 ans, retraitée : "Une telle expérience redonne du courage"

"Ces derniers temps, je n’étais vraiment pas bien. À la maison, le frigo était vide, mon moral dans les chaussettes. Arrivée à l’hôpital, je n’avais plus goût à rien. Avec ce manque d’élan et mes mains qui tremblaient, même saisir un crayon m’était devenu difficile. Mais j’ai accepté la proposition d’Emma, l’ergothérapeute qui me suit à l’hôpital, de faire une activité dans l’Espace Partenariat. Je ne le regrette vraiment pas. Le lieu lui-même est beau et motivant, il m’a fait penser à l’atelier de reliure que possédait mon mari. Avec Emma, nous avons entrepris de faire des lasagnes, puis du tricot. Cela m’a fait beaucoup de bien. Une telle expérience redonne du courage et revalorise dans les moments où on se dit qu’on ne vaut plus rien. Je ne me serais jamais lancée seule dans ces activités de cuisine ou de tricot que j’aimais tant. Depuis, j’ai même retrouvé le goût du chant, qui était une autre de mes passions."

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  • Laetitia Grimaldi

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