Une étude clinique menée conjointement aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) a établi la validité d’une procédure améliorée d’anesthésie générale en cas d’intubation, qui en réduit fortement les effets secondaires.
La pandémie du Covid-19 a mis un coup de projecteur sur les anesthésistes : l’intubation aux soins intensifs, requise pour les cas les plus sévères d’infection Covid-19, nécessite une anesthésie très rapide – en moins d’une minute. On utilise pour cela un type de curare, la succinylcholine, qui bloque l’activation des muscles. La rapidité de la relaxation musculaire que permet cette substance est capitale pour installer un tube respiratoire dans la trachée sans contaminer les poumons.
«Une anesthésie commence par une bonne protection des voies aériennes, explique le Dr Christoph Czarnetzki, médecin anesthésiste consultant aux HUG, aujourd’hui médecin-chef du service d’anesthésie à Lugano, et auteur principal de l’étude. Avec le relâchement des muscles, le ou la patiente perd les réflexes de protection des voies aériennes. On place alors un tube avec ballon dans la trachée, qui protège le poumon de toute réingurgitation. La rapidité de l’intubation est cruciale, c’est pourquoi l’anesthésie nécessite une relaxation très rapide des muscles.»
Un temps d’intubation diminué d’un tiers
La succinylcholine bloque rapidement les muscles, mais elle peut provoquer des effets secondaires assez sévères, tels que des douleurs musculaires aiguës, des allergies violentes, ou même des complications cardiaques. L’étude menée par le Dr Czarnetzki a testé une procédure alternative fondée sur un autre type de curare, le rocuronium. Ce composé provoque moins d’effets secondaires que la succinylcholine, mais déploie son effet plus lentement et nécessite une période de récupération plus longue. L’innovation clé de l’équipe du Dr Czarnetzki est de combiner le rocuronium avec du magnésium. Cette combinaison des deux substances conduit à une rapidité d’anesthésie similaire au succinylcholine, mais avec des effets secondaires plus légers.
«Le magnésium fait synergie avec le rocuronium, souligne le Dr Czarnetzki. Les signaux nerveux vers les muscles sont transmis par un neurotransmetteur nommé acétylcholine. Le magnésium bloque les canaux d’émission de ce transmetteur par les synapses, tandis que le rocuronium bloque les récepteurs. Le magnésium accélère ainsi fortement la réaction des patients au rocuronium. Le temps pour procéder à l’intubation diminue d’un tiers, et les différences d’une personne à l’autre baissent aussi fortement.»
Cette alternative magnésium/rocuronium a été testée à large échelle sur 280 patients volontaires aux HUG et au CHUV, et s’est effectivement avérée aussi efficace, avec des effets secondaires et une période de récupération réduites.
Vers une adoption généralisée ?
L’impact de ce résultat dépasse largement l’horizon de la pandémie du Covid-19. Près d’un million d’anesthésies par an sont pratiquées dans les hôpitaux suisses, et la nouvelle formule pourrait s’avérer bénéfique dans de nombreux cas où une intubation est nécessaire. Le Dr Czarnetzki l’utilise déjà à l'Hôpital cantonal du Tessin.
Grâce à la publication de l’étude dans le prestigieux journal Anesthesia & Analgesia, ainsi que par la rédaction de directives, il espère obtenir l’adoption généralisée de sa nouvelle technique en Suisse et dans le monde.
Texte:
- Frédéric Pont
Photos:
- Nora Teylouni – MSF