Texte: 

  • André Koller

Photos: 

  • Julien Gregorio

Utiliser la créativité

Le programme ESCAL, destiné aux adultes dès 16 ans, offre une large palette de soins.

Amélie* pèse 34 kilos et avale 17 pilules laxatives par jour. Barbara*, elle, avoue 115 kilos, mais tous les soirs en rentrant du travail, elle dévalise son frigo.
Que faire ? Qui consulter ?

Pour la Dre Alessandra Canuto, médecin-cheffe du service de psychiatrie de liaison et d’intervention de crise, la réponse est évidente: l’Espace de soins pour les troubles du Comportement ALimentaire – plus simplement, ESCAL – est fait pour elles.

«Peu importe d’ailleurs qu’on mange trop ou pas assez. Le problème n’est pas là. L’anorexie, la boulimie ou l’hyperphagie boulimique manifestent chacune à leur façon une souffrance psychologique, parfois intense. C’est cette dernière qui nous intéresse à ESCAL, quelle que soit la manière dont elle s’exprime», précise d’emblée la Dre Canuto.

Destiné aux adultes dès 16 ans, ce programme déploie une palette thérapeutique échelonnée, adaptée aux besoins de chacun. Le premier niveau d’intervention, c’est la consultation, en séances individuelles ou groupales. Second niveau de soins: l’hôpital de jour, fondé sur le principe de la communauté thérapeutique. Enfin, quand une patiente nécessite une prise en charge plus intensive, à la fois psychiatrique et somatique, elle est hospitalisée à l’unité de psychiatrie hospitalière adulte (UPHA). Cette offre de soins complète est dispensée par une équipe soignante composée de deux psychiatres, deux psychologues, une psychomotricienne, une ergothérapeute et cinq infirmières. «L’objectif thérapeutique à ESCAL est de mettre le rapport à l’alimentation en lien avec la difficulté psychologique spécifique rencontrée par la personne. Pour y parvenir, nous privilégions une approche multidisciplinaire qui prend en compte tous les aspects de la personnalité des patients», précise Alessandra Canuto.

Jeux de sable

A côté des approches classiques, la psychiatre a introduit une technique inédite en Suisse romande, inspirée de la théorie analytique jungienne : les jeux de sable. Dans le jargon scientifique, on parle de groupe de psychothérapie à médiation. Concrètement, il s’agit de mettre les patients autour de deux bacs à sable – sec et humide – posés sur une table. Ensuite, à l’aide de figurines, les participants construisent une histoire commune.

«Quand les mots ne suffisent pas pour exprimer sa propre souffrance, les jeux de sable offrent la possibilité de ‹faire› plutôt que ‹dire›. Avec cet outil, les patients extériorisent leurs émotions avec les mains. Les réalisations sont ensuite commentées par l’ensemble des participants. Il s’agit d’utiliser la créativité pour décrire un monde interne, pour faciliter la verbalisation d’un vécu individuel ou commun», explique la Dre Canuto. Autre technique pratiquée à l’hôpital de jour, le groupe multifamille. L’idée est de réunir les familles – au sens large – de tous les patients pour travailler sur la communication indirecte. «Il est souvent plus facile à une fille de s’adresser à une autre mère que la sienne. Il s’agit aussi de lutter contre les idées reçues, d’expliquer le sens de la thérapie et de partager des expériences», indique Eric Verger, infirmier responsable d’unité à ESCAL.

Cette démarche intégrée porte ses fruits: «Notre objectif est que les patients souffrent moins, que les symptômes liés à la nourriture deviennent moins prégnants, voire disparaissent complètement», se félicite l’infirmier.

* prénom d’emprunt

La patiente se voit repliée sur elle-même, seule (figurine orange). Serpents et araignées peuvent l’attaquer. Les personnages représentent son entourage : présents, disponibles, mais figés face à son trouble. Dans un coin du bac, elle a représenté sa lutte quotidienne avec la nourriture (un soldat essaie d’attaquer le danger alimentaire).

Hospitalisation inévitable

Dans certains cas extrêmes, quand la perte de poids met en jeu le pronostic vital, l’hospitalisation ne peut plus être évitée. Les patients de 16 ans et plus souffrant d’une affection psychiatrique nécessitant des soins somatiques sont pris en charge par l’unité de psychiatrie hospitalière adulte (UPHA) qui compte 18 lits. Cette unité est intégrée depuis 2007 au programme ESCAL. « Il s’agit bien entendu de cas lourds, de tous âges. Mais surtout des femmes. Nous n’avons eu que trois hommes depuis 2007 », note Christel Alberque, médecin adjointe, responsable de l’unité. Avant l’ouverture de l’hôpital de jour, les patients pouvaient rester hospitalisés plus d’une année. Aujourd’hui, la durée moyenne de séjour est de trois à quatre mois.

Texte: 

  • André Koller

Photos: 

  • Julien Gregorio
Partager
En savoir plus

Mots clés: 

Autres articles