Au travail ou en famille, comment soutenir – sans s’épuiser – les personnes souffrant de troubles anxieux ? Paolo Cordera, psychologue au Service des spécialités psychiatriques et responsable du programme Troubles anxieux des HUG, propose quelques pistes.
Ressentir une appréhension face à un événement important ou à une situation délicate, rien de plus normal. L’anxiété fait partie de notre nature humaine, chacun et chacune d’entre nous en a déjà fait l’expérience. Mais quand tout ou presque devient source d’inquiétude, une véritable souffrance peut s’installer. Les troubles anxieux sont fréquents – une personne sur cinq y serait confrontée au moins une fois dans sa vie –, mais ils sont parfois difficiles à comprendre pour l’entourage, qui peut se sentir démuni.
Questions à répétition
Parmi les comportements associés aux troubles anxieux et qui peuvent être déstabilisants pour les proches, il y a notamment les questions à répétition. «Pour la personne concernée, il est crucial de trouver de la réassurance. Si par exemple elle craint d’avoir contracté une maladie, elle ressassera des choses comme : ‟Est-ce que tu crois que j’ai attrapé ce virus ?”, ‟Penses-tu qu’il y a un risque de contamination ?” Les réponses vont l’apaiser un moment, mais elle va rapidement reposer des questions similaires, car ce n’est pas de recevoir une information qui lui importe, mais de pouvoir calmer la réaction émotionnelle à laquelle elle fait face», explique Paolo Cordera, psychologue au Service des spécialités pédiatriques et responsable du programme Troubles anxieux des HUG.
L’impression que la personne est «en boucle» peut provoquer de l’agacement, amener à nier ce qu’elle ressent, voire à dénigrer son attitude. «À l’opposé, l’entourage adopte parfois une posture de ‟sauveur” et tente de créer un cocon pour que la personne soit exposée le moins possible à ce qui déclenche ses inquiétudes, décrit le psychologue. Mais dans un cas comme dans l’autre, cela n’est pas productif et s’oppose à son rétablissement.»
Valoriser les ressources
Une piste précieuse vient de ce que peut provoquer l’anxiété, à savoir surestimer les difficultés liées à une situation tout en sous-estimant ses capacités à y faire face. Au lieu de vouloir rassurer à tout prix, mieux vaut donc adopter une attitude soutenante. «Les deux approches sont très différentes : la réassurance, c’est nier le danger, alors que le soutien, c’est reconnaître la souffrance émotionnelle de l’autre, mais aussi lui rappeler toutes les ressources dont il ou elle dispose», explique Paolo Cordera. Ainsi, plutôt que de dire : «Mais non, tu verras, tout se passera bien», mieux vaut opter pour : «Je sais que c’est dur pour toi, mais je crois que tu peux y arriver. Souviens-toi, tu l’as déjà fait par le passé.»
«L’entourage a un rôle important. S’il ne doit pas avoir le sentiment de devenir une sorte de thérapeute adjoint, il est tout de même utile qu’il ‟rame” dans le même sens que nous», souligne le spécialiste. Le programme Troubles anxieux des HUG, dont il est responsable, prévoit d’ailleurs d’intégrer des proches à la prise en charge quand cela est jugé pertinent pour la personne, et si elle est d’accord. «Les personnes proches aidantes doivent veiller à prendre soin d’elles. L’attention des individus anxieux est par essence tournée vers eux-mêmes et ils n’ont pas toujours conscience du soutien qui leur est apporté, ce qui peut être dur à vivre pour les autres», ajoute Paolo Cordera.
Bien réagir à une crise d’angoisse
Les personnes anxieuses sont parfois en proie à des crises d’angoisse, ou attaques de panique, qui peuvent se manifester de diverses manières, telles que se mettre à transpirer, avoir des palpitations, une sensation d’oppression dans la poitrine ou des difficultés à respirer. Très pénibles à vivre, ces moments peuvent aussi être très impressionnants, voire affolants, pour celles et ceux qui en sont témoins. «Il est facile de croire à un malaise cardiaque par exemple. Il est donc important de s’informer. Les personnes anxieuses acquièrent au cours de leur thérapie des outils pour gérer au mieux ces crises. Si elles sont d’accord, il est possible qu’un ou une proche participe à une séance de psychoéducation pour être aussi à même de reconnaître la crise et apporter une aide adaptée quand cela est nécessaire», indique Paolo Cordera, psychologue au Service des spécialités psychiatriques et responsable du programme Troubles anxieux des HUG.
Texte:
- Stéphany Gardier
Photos:
- Bogsch & Bacco