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  • André Koller

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  • The project twins

Watson, super assistant en oncologie

L’inflation des données dans le domaine du cancer est massive. Le cerveau humain peut-il encore maîtriser, sans l’aide des machines, des connaissances en croissance exponentielle? Une réponse avec la création, en oncologie, d’une expertise en intelligence artificielle.

L’oncologie a connu cette dernière décennie une complexification croissante. On s’accorde désormais à penser que cette spécialité ne pourra bientôt plus être pratiquée sans l’assistance d’une intelligence artificielle. L’évaluation, lancée en 2019, du programme d’IBM Watson for Genomics prépare cet avenir proche.

Les HUG sont les premiers en Europe à tester ce logiciel de la gamme Watson. Pour le Dr Rodolphe Meyer, à l’origine de ce projet pilote, ce n’est pas un hasard. «Grâce à ma double formation en médecine et en informatique, rare dans les services informatiques hospitaliers, je comprends les besoins des médecins et parle leur langage. Pour convaincre des collègues, ce n’est pas inutile», sourit le directeur adjoint de la Direction des systèmes d’information.

Mais à quoi sert Watson for Genomics? Pour le comprendre, il faut savoir au moins deux choses. D’abord, que les tumeurs cancéreuses sont des amas de cellules dont la formation, la croissance et la durée de vie sont anormales. Ensuite, que ces anomalies se produisent quand le «programme» qui dirige la fabrication des cellules contient des erreurs. En termes plus scientifiques et précis: quand leur génome est altéré par des mutations cancérigènes.

«On utilise les machines pour décrypter vite et bien le profil génomique d’une tumeur. C’est-à-dire, pour lire lettre par lettre le code qui a produit des cellules défectueuses. Lorsque nous envoyons ce profil à IBM aux Etats-Unis, le logiciel se base sur des cas similaires pour proposer une liste des solutions thérapeutiques les mieux adaptées. Le tout en 15 minutes, au lieu des 3 à 8 heures actuelles», raconte Yann Christinat, bio-informaticien au Département diagnostique, qui a mis au point les outils informatiques nécessaires pour l’échange sécurisé des données.

Prudence

En janvier, quelque trente profils avaient été soumis à Watson for genomics. Afin d’établir des liens entre des mutations pathogènes et des traitements médicaux possibles, le logiciel d’IBM a passé en revue toute la littérature médicale. Soit quelque 30 millions d’articles, rapports, etc. Et cette gigantesque base de données est mise à jour et augmentée tous les trimestres.

Pour quels résultats? Le Dr Petros Tsantoulis, chef de clinique au Service d’oncologie, souhaite rester prudent: «Certains médias ont survendu l’efficacité de l’intelligence artificielle. Dans une spécialité comme l’oncologie, il est important de ne pas susciter de faux espoirs. Toutefois, nous avons eu quelques bonnes surprises. Watson a parfois déniché des ressources scientifiques qu’il aurait été difficile de trouver autrement. Comme des documents succincts et pertinents, publiés en marge d’un congrès, s’appliquant à la situation particulière d’un patient.» Si le potentiel semble être au rendez-vous, l’essentiel pour les HUG n’est pas d’optimiser ce logiciel-là. 

«Nous préparons l’avenir. Nous construisons une expertise. Même si cet outil n’a pas un impact significatif dans l’immédiat, il s’intègre dans une stratégie de développement dans ce domaine. Car à terme, l’intelligence artificielle devrait au minimum faciliter une prise en charge d’excellente qualité et cohérente avec les connaissances scientifiques les plus récentes», conclut le Dr Tsantoulis. Le bilan final de ce projet est attendu fin 2021.

Confidentialité garantie

Les algorithmes de la gamme Watson sont basés sur la côte Est des Etats-Unis. C’est là-bas que les données sont traitées. «Un point essentiel du contrat avec IBM concerne la confidentialité. Pour garantir l’anonymat, les HUG n’envoient que le génome de la tumeur. Avec ça, il est pratiquement impossible d’identifier un patient. Ensuite, toutes les données sont détruites après chaque analyse. Par ailleurs, seules les personnes ayant signé un consentement spécifique autorisant les HUG à envoyer des informations hors des frontières nationales sont incluses dans ce projet pilote», rassure le Dr Rodolphe Meyer, directeur adjoint de la Direction des systèmes d’information.

L’IA aussi aux urgences

Depuis janvier, le Service des urgences adultes teste lui aussi une intelligence artificielle (IA). L’objectif de ce nouvel outil est de prioriser plus efficacement l’analyse des radiographies produites quotidiennement. «Le logiciel scanne toutes les images réalisées. Quand il repère un problème, il le signale aux radiologues pour les aider à mieux hiérarchiser leur travail», indique le Dr Rodolphe Meyer, directeur adjoint de la Direction des systèmes d’information.

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