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Apprendre à vivre avec un cancer

Les infirmières spécialisées nouent des relations de confiance avec les patients pour mieux les guider dans leur parcours médical.

On peut vivre avec certains cancers comme avec une maladie chronique. Mais cela requiert certains aménagements. Un apprentissage aussi, pour gérer les conséquences possibles de cette pathologie et de ses traitements. Comme de l’anxiété ou de la dépression, une vie familiale et professionnelle chamboulée ou encore une baisse des capacités physiques. Les patients ne sont jamais seuls pour affronter ces épreuves. Les HUG, et des associations privées, leur offrent aide et soutien. A cet égard, les infirmières jouent un rôle de premier plan. Elles accompagnent les personnes atteintes d’un cancer tout au long de leur prise en charge et les guident au sein du réseau de santé.

Lien fort avec les patients

Coordination entre professionnels de santé, informations sur la maladie et ses traitements… les infirmières jouent un rôle de pivot au sein des parcours oncologiques complexes. Elles s’appliquent, ainsi, à construire un lien solide avec les patients. « L’expérience a montré que c’est un moyen efficace pour éviter les complications et les réhospitalisatios », affirme Sandy Decosterd, infirmière spécialiste clinique. Au-delà des gestes de soins, les infirmières s’efforcent de faire évoluer harmonieusement les projets de vie des patients et les contraintes thérapeutiques. « Ces deux dynamiques, parfois difficiles à concilier, doivent chacune suivre leur cours sans se gêner », souligne Sandy Decosterd. Pour la soignante, la clé c’est la confiance. Quand un patient sait qu’il est écouté, il parvient mieux à verbaliser ses craintes, ses difficultés ou ses attentes. Il osera dire, par exemple, à quel point sa présence à l’anniversaire de son petit-fils est importante pour lui. Et il n’hésitera pas à exprimer sa préférence pour un traitement plutôt qu’un autre. Grâce à cette relation de confiance, les besoins des personnes sont mieux connus et il est plus aisé de les diriger vers les ressources du réseau: diététiciens, podologues, physiothérapeutes, psychologues ou sexologues. Ou encore la Ligue genevoise contre le cancer et l’association « Apprendre à vivre avec le cancer ».

Booster l’estime de soi

La fondation Look Good Feel Better (LGFB), présente dans 39 hôpitaux suisses, propose des ateliers de maquillage gratuits aux patientes atteintes d’un cancer. Ces séances les aident à retrouver confiance en elles et renforcent l’estime de soi.

Le programme n’a aucune visée médicale et se veut neutre en termes de produits et de marques. « Je m’en réjouissais énormément. J’avais tellement envie de me faire du bien. Au début, le coup d’œil jeté dans le miroir était hésitant. Mais peu à peu, la crainte a fait place à un véritable plaisir », se souvient Maria, 49 ans, et mère de trois filles. « Et c’est super utile. L’esthéticienne donne plein d’astuces pour masquer les traces des traitements. Après l’atelier, ma peau était resplendissante. Je me sentais plus fraîche et plus sûre de moi. J’avais moins peur du regard des autres. Mes trois filles ont trouvé que je devrais me maquiller comme ça tous les jours. Cela a encore renforcé mon sentiment de bien-être. » « Maintenant, je soigne mieux ma peau. Je dessine mes sourcils et mets plus souvent du rouge à lèvres. On apprend aussi à faire particulièrement attention aux questions d’hygiène dans la mesure où le système immunitaire est affaibli pendant la thérapie. A recommander sans hésitation », ajoute-t-elle. 

séance de maquillage

Les séances de maquillage en groupe aident à retrouver confiance en soi.

Regagner du tonus

L’hormonothérapie, utilisée notamment pour traiter les cancers de la prostate, a des effets secondaires physiques et psychiques. Les HUG proposent depuis quelques années une prise en charge multidisciplinaire visant à améliorer la qualité de vie. « J’ai été très bien soigné. Vraiment. Mais comme j’ai toujours pratiqué beaucoup de sport, j’ai ressenti durement la perte de mon tonus musculaire. J’ai même pensé que je me retrouverais bientôt sur une chaise roulante », raconte Charles-Henri, 83 ans. « C’est là que le Pr Miralbell m’a proposé un programme de physiothérapie et de musculation. J’ai été très vite conquis. La salle d’entraînement de l’Hôpital Beau-Séjour est une des mieux équipées de Genève. Il y a des machines pour tout: pieds, jambes, cuisses, abdominaux, pectoraux, bras, dos…» « Et les physiothérapeutes sont remarquables. Toujours là quand il faut. Ces deux séances hebdomadaires ne durent qu’une heure – j’essaie toujours de grappiller un petit quart d’heure – mais je ne peux plus m’en passer. Le bénéfice est moral aussi. Après ces séances, je fais ma semaine beaucoup plus facilement... Et il n’est plus question de chaise roulante », sourit cet ancien directeur adjoint d’une multinationale.

Aborder la sexualité

Aux HUG, des spécialistes en santé sexuelle et cancer interviennent à plusieurs niveaux : consultation de sexologie, travail sur l’image corporelle ou, plus simplement, séances d’information multithématiques.

Sylviane, 55 ans, traitée par chimio- et radiothérapie pour une tumeur du canal anal, se félicite de les avoir suivies. « Il y a les effets secondaires connus : moindre tolérance au stress, problèmes de transit – qui m’ont obligée à faire attention à ce que je mangeais. Et puis, ceux dont je n’étais pas forcément consciente, comme le rétrécissement de tous les tissus de la région pelvienne », se souvient Sylviane. « Vous savez, même aux HUG, les gens n’osent pas trop aborder ces sujets. J’ai eu la chance de croiser Florence Rochon. Cette infirmière spécialisée a du cœur et beaucoup d’empathie. Elle m’a parlé des séances d’information ’cancer et sexualité’. Là, j’ai compris que si je ne faisais rien, j’aurais des problèmes lorsque je recommencerai une vie sexuelle plus active. » « Alors, je me suis inscrite à des séances de physiothérapie spécialisée. On m’y a prescrit des crèmes qui assouplissent les tissus vaginaux. J’ai aussi appris des techniques simples pour combattre le rétrécissement… Cela peut faire sourire. Mais il est important d’être informé et d’agir. Après un cancer, une vie sexuelle épanouie demande quelques efforts », affirme Sylviane.

Trouver une écoute

Il n’est pas rare que le cancer fasse émerger des problèmes longtemps enfouis que le patient s’autorise à explorer pour la première fois. C’est à ce niveau que la consultation de psycho-oncologie prend tout son sens.

Louise, 44 ans, est en rémission après un cancer du sein. Elle a suivi les traitements classiques : mastectomie, chimio- et radiothérapie. Petit à petit, elle a repris son travail. Mais sa mémoire est encore défaillante. Déjà en psychothérapie avant son diagnostic, elle a souhaité poursuivre avec la psycho-oncologue des HUG. « C’est important d’évoquer des détails du parcours médical, des traitements. De savoir que je serai comprise aussi sur un plan médical et surtout psychologique. Et puis, je voulais parler avec quelqu’un qui connaisse bien l’Hôpital et les réseaux de soins », raconte-t-elle. « De plus, les consultations ont lieu dans les bâtiments des HUG. J’aime venir ici. Prendre l’ascenseur, monter dans les étages. C’est un lieu symbolique fort pour moi. Un endroit où je peux trouver une écoute. Il me rappelle que je dois prendre soin de moi même si le pire semble derrière. » « Cela dit, les séances tournent peu autour de la maladie. Il peut aussi s’agir d’un appui pour des situations quotidiennes chargées de doute. J’ai un bon contact avec ma thérapeute. J’avance grâce à elle », souffle Louise.

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