Texte: 

  • Clémentine Fitaire

Photos: 

  • Michèle Bloch-Stuckens

« Cette pandémie a tout changé »

Récemment nommée directrice du Centre des maladies virales émergentes, la Pre Isabella Eckerle met son expertise en virologie, microbiologie et épidémiologie des maladies infectieuses au service de cette structure de référence, pour mieux anticiper la prochaine potentielle pandémie.

D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, la Pre Isabella Eckerle a toujours souhaité travailler à l’interface entre l’animal et l’humain. C’est peut-être cette passion qui l’a conduite à se spécialiser dans la virologie et plus particulièrement les zoonoses, ces maladies pour lesquelles certaines espèces animales jouent un rôle d’hôte intermédiaire. C’est en Afrique, lors d’un voyage effectué à la fin de ses études, que ce domaine de recherche s’impose à la jeune femme. «J’aime aller sur le terrain, travailler avec des spécialistes du monde entier pour comprendre comment se développent les virus. C’est fascinant», raconte-t-elle.

Une année de bascule

En 2011, elle intègre l’équipe du Pr Christian Drosten, éminent virologue allemand, avec qui elle travaille sur le MERS-CoV, en observant notamment le rôle de réservoirs des chauves-souris et des chameaux dans la propagation de ce virus, sans savoir que ces connaissances seront quelques années plus tard mises à profit pour un autre type de coronavirus… En effet, un an avant le début de la pandémie de Covid-19, Isabella Eckerle, nommée professeure, rejoint le Centre des maladies virales émergentes des HUG. «Cette pandémie a tout changé, en impactant non seulement le domaine médical, mais aussi toutes les sphères de la société. Nous pensions avec prétention que ces virus étaient loin de nous et nous n’étions absolument pas préparés à y faire face.» Une grande leçon d’humilité personnelle et professionnelle pour cette maman de deux jeunes enfants, qui confie : «J’ai été très affectée par le fait de ne pas pouvoir rendre visite à ma famille en Allemagne pendant longtemps, quand les frontières étaient fermées.»

Se préparer à la prochaine tempête

Un horizon de passionnantes incertitudes, voilà comment elle définirait son travail et la virologie elle-même. «Étudier les zoonoses est un véritable défi où se mêlent des milliers d’espèces et de nombreux facteurs influençant la naissance d’une épidémie : réchauffement climatique, perte de biodiversité, mouvements des populations…». Dans ce terrain de recherche dynamique et interdisciplinaire, la Pre Eckerle a trouvé sa place. Depuis le printemps 2024, elle dirige avec la Dre Pauline Vetter le Centre des maladies virales émergentes, une institution conjointe aux HUG et à la Faculté de médecine de l’Université de Genève, dont l’objectif pluridisciplinaire est à la fois clinique, diagnostique et de recherche translationnelle avec une mission de santé publique.

Cette structure transversale unique en Suisse tisse des liens étroits avec des référents internationaux tels que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et Médecins sans frontières. Parmi les potentiels dangers que son équipe suit de près : la grippe aviaire aux États-Unis, mais aussi le mpox, un proche du virus de la variole, pourtant éradiquée dans les années 1970. Ce caractère imprévisible de la menace, la Pre Eckerle, en bonne scientifique, ne le craint pas. «Quand je cauchemarde, ce n’est pas à propos des virus émergents, mais plutôt à cause de toutes les publications qui doivent encore être terminées !», avoue-t-elle avec humour. Elle en est d’ailleurs certaine, les grandes familles de virus dangereux pour l’être humain sont connues. «L’important est maintenant d’engranger un maximum de connaissances pour se préparer le mieux possible à la prochaine pandémie… qui ne manquera pas de survenir un jour.»

  • 1980 Naissance à Speyer, Allemagne.
  • 2010 Doctorat au Centre allemand de recherche sur le cancer.
  • 2011 Chercheuse à l’Institut de virologie de Bonn, Allemagne.
  • 2018 Nommée professeure en virologie. Rejoint le Centre des maladies virales émergentes (CMVE) lié aux HUG et à l’Université de Genève.
  • 2020 Intègre un groupe expert de référence lors de la pandémie de Covid-19.
  • 2023 Codirige, avec le Pr Laurent Kaiser, le CMVE, désigné centre collaborateur de l’OMS.
  • 2024 Directrice du CMVE.

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