Qu’elles soient aiguës ou chroniques, passagères ou sévères, rares ou fréquentes, les maladies pulmonaires sont innombrables. Si elles ont en commun de fragiliser la fonction vitale des poumons, elles déstabilisent aussi fréquemment le quotidien des personnes concernées. Dès lors, les innovations se multiplient, tant pour améliorer la prise en charge de ces pathologies souvent complexes que la qualité de vie.
Une toux qui ne passe pas, un essoufflement inhabituel, un sifflement dans la poitrine, des expectorations (crachats) : si les symptômes émis par les poumons en souffrance sont limités, le champ des raisons possibles est lui immense. Et pour cause, les maladies pulmonaires se comptent par centaines. Si certaines d’entre elles sont bien connues et se diagnostiquent relativement facilement, comme l’asthme (lire Asthme : trois nouveautés), la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ou une « simple » bronchite, d’autres, comme les pneumopathies interstitielles diffuses (lire Pneumopathie interstitielle diffuse : l’incontournable enquête) ou les maladies vasculaires pulmonaires, par exemple, imposent un processus de diagnostic pouvant prendre du temps. La raison ? «Elle est double. Elle s’explique d’abord par la complexité du poumon. Celui-ci a en effet la particularité d’être en lien direct avec l’extérieur pour capter l’oxygène indispensable à l’organisme et libérer le dioxyde de carbone produit. Cela lui confère des spécificités singulières, où se mêlent vulnérabilité vis-à-vis de cet environnement et obligation de tolérance pour ne pas surréagir en permanence à ce que nous respirons. L’autre obstacle est lié à la difficulté d’accès à l’organe. Si une lésion sur la peau par exemple se prête facilement à une biopsie, la démarche est tout autre quand les poumons sont touchés. Pour les explorer, les examens, comme les bronchoscopies (examens endoscopiques des bronches) ou les biopsies pulmonaires chirurgicales, nécessitent une logistique plus importante. Par ailleurs, ils n’apportent pas toujours à eux seuls un diagnostic précis et, selon l’état des poumons, sont parfois impossibles à réaliser», résume la Pre Anne Bergeron, médecin-cheffe du Service de pneumologie.
Une longue enquête s’amorce donc souvent, pour identifier la maladie présente, puis le traitement adéquat. Et ce n’est pas tout : «En impactant le souffle, une pathologie pulmonaire peut avoir des conséquences lourdes sur le quotidien, comme sur la santé physique et mentale», poursuit l’experte. Alors, tandis qu’un flot d’innovations transforme la pneumologie depuis une vingtaine d’années, un fait s’impose selon la Pre Bergeron : «La nécessité d’offrir un suivi personnalisé et des mesures adaptées, incluant une prise en charge globale, pour améliorer la qualité de vie des patients et patientes.»
«En impactant le souffle, une pathologie pulmonaire peut avoir des conséquences lourdes sur le quotidien» Pre Anne Bergeron
Diagnostic en constante amélioration
C’est ainsi que se dessine aujourd’hui une discipline à la fois médicotechnique, personnalisée, multidisciplinaire et bel et bien révolutionnaire. À commencer par le domaine du diagnostic lui-même. «En pneumologie, la combinaison d’éléments et d’approches complémentaires est souvent à l’œuvre pour identifier une maladie pulmonaire : l’histoire de la personne et l’examen clinique, la bronchoscopie, les fonctions pulmonaires (obtenues par la respiration dans des appareils de mesure qui évaluent l’impact de l’affection) et le scanner, examen indispensable pour les pneumologues. Or dans chacun de ces domaines, des progrès apparaissent», se réjouit la Pre Bergeron. Et le Dr Julien Cohen, médecin adjoint responsable de l’Unité de radiologie thoracique et oncologique, d’illustrer : «Les HUG viennent par exemple d’investir dans un scanner ultra-performant, qui va considérablement améliorer le diagnostic et la recherche pour des maladies pulmonaires mal comprises aujourd’hui. L’émergence de l’intelligence artificielle comme aide au diagnostic va elle aussi changer la donne en favorisant des diagnostics de plus en plus précoces.» Et de révéler : «Si la radiographie thoracique reste généralement le premier examen d’imagerie proposé, le scanner est en passe de la détrôner, en raison de ses performances toujours croissantes et de niveaux d’irradiations qui s’abaissent considérablement.»
«L'intelligence artificielle va favoriser des diagnostics de plus en plus précoces» Dr Julien Cohen
Arrivée de nouveaux traitements
Vient alors la question des traitements. «Beaucoup reste à faire et de nombreuses maladies pulmonaires demeurent encore incurables. Mais l’arrivée de nouveaux traitements a transformé la vie d’une multitude de patients et patientes. C’est le cas par exemple pour la mucoviscidose (lire le témoignage de Mila, ndlr) ou l’asthme sévère», souligne la pneumologue. La suite ? Elle est marquée de petites et grandes victoires. «Au sein du service, nous nous réjouissons de prodigieuses avancées, comme la mise en place d’itinéraires cliniques, l’arrivée de technologies nouvelles pour guider l’exploration des bronches, la collaboration avec le Centre de recherche clinique pour offrir aux patients et patientes l’accès à de nouveaux traitements ou encore la mise en place d’une équipe de recherche clinique», détaille l’experte. Et de poursuivre : «Mais l’idée n’est pas d’avancer en silo. Les collaborations sont permanentes, d’abord avec de nombreuses spécialités des HUG, comme la radiologie, les maladies infectieuses, la chirurgie, la psychiatrie, la génétique, la médecine palliative ou encore la pédiatrie. Elles se développent aussi avec l’extérieur, notamment avec les pneumologues de ville et les prestataires facilitant le retour à domicile après une hospitalisation ou avec le Centre hospitalier universitaire vaudois pour construire la “pneumologie lémanique” de demain.»
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Le tabac est le principal ennemi de nos poumons
Enfin, un axe moins spectaculaire, mais tout aussi décisif mobilise les pneumologues : la prévention. «Le poumon est un organe fragile et doté d’une faible capacité de régénération, ce qui complique sa prise en charge. Mais il est aussi possible de le préserver, en veillant à ce que nous respirons. Bien sûr, seules des décisions politiques majeures peuvent changer la qualité de l’air extérieur, mais il y a tout le reste. À l’échelle individuelle, la prévention passe par l’utilisation de masques en cas d’infections virales ou d’activités à risque d’inhalations toxiques, le fait de fuir bougies, feux de bois, sprays en tout genre, et bien sûr le tabac, ennemi numéro un de nos poumons», rappelle la Pre Bergeron.
Vers un diagnostic plus précoce du cancer du poumon
Deuxième cancer le plus fréquent chez les hommes, troisième chez les femmes, le cancer du poumon reste associé à un fort taux de mortalité. L’une des priorités pour lutter contre ce fléau : agir beaucoup plus tôt. «Il y a plusieurs raisons à son diagnostic tardif : des symptômes, comme la toux ou l’essoufflement, parfois minimisés par les personnes (fumeuses dans 80% des cas), l’absence de douleur engendrée par ces tumeurs et la difficulté du diagnostic – une simple radiographie par exemple ne suffit pas toujours à visualiser une tumeur, surtout débutante», résume le Dr Romain Messe, médecin adjoint au Service de pneumologie.
Face à ces écueils, les initiatives sont nombreuses. Parmi elles : le développement de la pneumologie interventionnelle, qui ouvre la voie à de nouvelles approches de diagnostic grâce à des outils de haute précision, les performances des nouveaux scanners ou encore les réflexions en faveur d’un dépistage au sein des populations à risque*.
«Ces innovations s’inscrivent dans une dynamique multidisciplinaire indispensable», souligne l’expert. Avant de préciser : «Le diagnostic et la prise en charge du cancer du poumon passent par des collaborations associant les progrès de la pneumologie, de la chirurgie thoracique, de la radiologie et bien sûr de l’oncologie. Toutes ces disciplines se retrouvent au sein du Centre du cancer du poumon des HUG et de son tumor board, organisé chaque semaine aux HUG pour discuter au cas par cas des meilleurs axes de traitement à proposer.»
* Ce dépistage par scanner a montré son efficacité pour réduire la mortalité chez les personnes fumeuses actives ou anciennes fumeuses âgées de 50 à 74 ans, mais n’est pas encore remboursé par l’assurance maladie de base ni inscrit dans un programme national en raison d’interrogations sur la faisabilité et les modalités exactes à appliquer en Suisse.
Pour les enfants souffrant de maladies pulmonaires, des défis clés
Qu’il s’agisse d’asthme, de mucoviscidose, de troubles respiratoires liés à une pathologie neuromusculaire ou à une maladie rare : les atteintes pulmonaires touchant les enfants imposent des défis évidemment thérapeutiques pour une prise en charge optimale, mais pas seulement. «Plusieurs aspects sont en jeu et insufflent une dynamique bien spécifique pour ces soins. La première ambition est d’amener ces enfants à un potentiel respiratoire maximal avant le cap des 20 ans, âge à partir duquel ce potentiel commence déjà, pour tout le monde, à décliner. Le second but est de leur permettre de mener une vie la plus normale possible. Cela passe notamment par l’éducation thérapeutique et l’élaboration d’une triade de confiance entre l’équipe médicale, l’enfant et sa famille», résume la Dre Isabelle Ruchonnet-Métrailler, médecin adjointe agrégée, responsable de l’Unité de pneumologie pédiatrique.
Et Yaël Duchunstang, infirmière spécialisée à l’Unité de pneumologie pédiatrique, d’ajouter : «Les parents sont de véritables partenaires de soins, y compris lorsque le virage de l’adolescence s’amorce et que les jeunes deviennent parfois réfractaires aux traitements. C’est alors un nouveau pan de la prise en charge qui débute pour trouver des compromis entre leurs envies et les soins qui s’imposent.» Outre l’avancée des traitements, une priorité porte sur la transition, à partir de 16 ans, entre les soins prodigués en pédiatrie et ceux qui relèvent des soins adultes. Baptisé «Transat», ce projet de prise en charge devrait inclure des consultations conjointes et des discussions bien en amont du jour J de cette transition. «Tout l’enjeu est de soigner cette période afin que les jeunes, que nous connaissons parfois depuis de nombreuses années, continuent à adhérer aux soins», souligne Valérie Durand, physiothérapeute.
« Un miracle est survenu sous la forme d’un médicament révolutionnaire »
«Début 2020, alors que la menace du Covid était redoutable pour une personne comme moi atteinte de mucoviscidose, un miracle est survenu sous la forme d’un médicament révolutionnaire. J’étais hospitalisée aux HUG, à peine sortie des soins intensifs, et je venais tout juste de signer les papiers pour une greffe de poumons quand ce nouveau traitement m’a été proposé. Il a changé ma vie. En quelques semaines seulement, mes symptômes se sont estompés les uns après les autres et mon nom a été enlevé des listes de demandes de greffe pour motif… que j’allais trop bien !
Aujourd’hui, près de cinq ans plus tard, je peux parler, rigoler et même courir sans tousser ni être essoufflée. J’ai toujours fait du sport, mais fini les activités toutes douces, je suis passée au crossfit. Ma vie aujourd’hui ? Elle est pleine… de vie, et plus interrompue sans cesse par des hospitalisations. Mais je ne me suis pas trop éloignée de l’univers des soins : inscrite à la Haute école de santé de Genève, je me forme pour devenir physiothérapeute.»
Dossier pneumologie : Nouveau souffle
Texte:
- Laetitia Grimaldi
Photos:
- Bogsch & Bacco