Texte: 

  • Laetitia Grimaldi

Photos: 

  • Nicolas Righetti | lundi13

«Repenser le travail social»

En 2013, après un parcours professionnel consacré à l’humanitaire, Christophe Girod devient directeur général de l’Hospice général. Son leitmotiv ? Le monde évolue : le travail social et l’Hospice général doivent évoluer avec lui.

Pulsations : Fruit d’une vaste collaboration entre l’Hospice général et les HUG, le Centre d’hébergement collectif pour migrants de la Seymaz vient d’ouvrir ses portes à Thônex, sur le site de Belle-Idée. Quelle est la vocation de ce nouvel établissement? 

Christophe Girod : Il vise à remplacer le Foyer des Tilleuls et le Centre d’hébergement collectif pour migrants du Petit-Saconnex, deux sites devenus vétustes et actuellement en cours de fermeture. D’une capacité de 370 places, le centre de la Seymaz s’inscrit dans notre mission cantonale d’héberger, accueillir et intégrer socialement les requérants d’asile qui nous sont adressés par la Confédération. Pour rappel, le canton de Genève prend en charge 6% des requérants d’asile présents sur le territoire suisse. Ce nouveau centre nous permettra également de mieux faire face en cas de nouvelles crises migratoires.

La crise migratoire de 2015 avait nécessité le recours aux abris de la Protection civile. Des événements d’une telle ampleur sont-ils prévisibles?

Hélas, non. Il est impossible de lire l’avenir dans ce domaine, d’abord parce que les flux migratoires ne dépendent ni de Genève, ni de la Suisse, mais aussi car la migration est un phénomène extrêmement complexe. En effet, elle ne découle pas uniquement de la survenue de guerres ou de l’émergence de régimes dictatoriaux, mais recèle également une forte composante économique. Les dynamiques en jeu sont donc nombreuses et nous contraignent à être dans la réaction plus que dans l’anticipation. Cela ne nous empêche pas de repenser le travail social, bien au contraire. L’«Agenda intégration suisse», lancé par la Confédération en 2019, en est un parfait exemple.

En quoi consiste-t-il? 

Ce programme édicte des objectifs précis à l’intention des cantons. Un exemple: la maîtrise de la langue étant le premier facteur d’intégration, il est dorénavant exigé que les enfants nés sur le territoire suisse comprennent le français à l’âge de 4 ans. Fondé sur une démarche incitative, cet Agenda oblige les cantons à être innovants: les financements octroyés par la Confédération dépendront des résultats obtenus.

Comment vivez-vous ces changements? 

Comme un challenge particulièrement stimulant permettant à nos métiers et pratiques d’évoluer. Plus largement, ces nouvelles exigences obligent l’administration  à se remettre en question. Elle a longtemps estimé savoir mieux que les usagers ce dont ils avaient besoin. Cela doit changer. Dans cette perspective, l’Hospice général intègre notamment des techniques dites de «service design». Le principe: consulter les usagers et tenir compte de leurs retours pour optimiser nos fonctionnements.

Outre l’accompagnement des requérants d’asile, l’Hospice général est en charge de l’aide sociale. Y associez-vous des défis prioritaires?

Le premier relève de l’accès lui-même à l’aide sociale. Pousser la porte de l’Hospice général n’est pas anodin, pour beaucoup c’est honteux, infamant. De nombreuses personnes s’y résolvent trop tard, au bord du gouffre financièrement et plus abîmées encore psychiquement et physiquement.

Quelle place la santé occupe-t-elle dans vos activités? 

C’est un aspect indissociable de nos accompagnements. Une vigilance particulière est apportée à la santé mentale, dont les failles constituent un obstacle majeur pour l’insertion professionnelle et sociale. De nombreux requérants d’asile souffrent par exemple de troubles de stress post-traumatique. Quand cela est nécessaire, la cellule «santé sociale» fait le lien avec les HUG ou l’AI, nos deux partenaires santé.

Vous avez travaillé dans l’humanitaire, notamment à Washington pour le Comité international de la Croix-Rouge, à Chypre pour l’Organisation des Nations unies. Qu’est-ce qui vous a motivé à prendre un virage vers le social? 

On ne peut pas être plus plongé dans sa réalité locale qu’en travaillant dans le social. Ce domaine permet, par essence, de contribuer au mieux-être de la communauté dans laquelle on vit. C’est ce qui m’a animé en revenant chez moi, à Genève.

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