Suivre un traitement anticoagulant par antivitamine K implique des contrôles réguliers et contraignants. Aux HUG, la formation «INR* au bout du doigt» guide les patients vers l’autonomie.
Des prises de sang à répétition, cela vous rebute? C’est pourtant le lot de beaucoup de patients sous traitement anticoagulant de la famille des antivitamines K. Pendant longtemps, les contrôles de fluidité du sang s’effectuaient uniquement via une prise de sang classique. Le patient devait se rendre très régulièrement dans un laboratoire ou à l’hôpital afin que son sang puisse être analysé. Un processus souvent chronophage et stressant.
Pour faciliter ces tests, des entreprises pharmaceutiques ont développé des appareils d’analyse sanguine portatifs que le patient utilise lui-même à la maison. «Le principe consiste à se piquer le bout du doigt pour obtenir une belle gouttelette de sang, explique Françoise Bonfils, infirmière et membre de l’équipe formatrice d’INR au bout du doigt. Celle-ci doit ensuite être déposée sur une bandelette, que l’on insère dans la machine. Le résultat apparaît sur l’écran après quelques secondes.» Ces mesures peuvent être communiquées au médecin pour réajuster le traitement si nécessaire.
Une formation en trois actes
L’outil a beau être pratique, gérer soi-même son anticoagulation peut être source de stress. Pour les accompagner au mieux dans son utilisation, une équipe pluridisciplinaire des HUG propose une formation. Celle-ci s’adresse à toutes les personnes sous traitement anticoagulant (de la famille antivitamine K), stables depuis plus de six mois, et qui souhaitent mesurer eux-mêmes leur INR capillaire.
Après un entretien avec un médecin, une première séance de quatre heures en groupe est organisée. L’occasion de manipuler l’appareil et recevoir des notions théoriques, par exemple sur les différentes étapes de la coagulation du sang. «Au départ, il n’est pas toujours facile de former une belle goutte de sang, témoigne Serge, participant à la formation. Grâce aux conseils de l’équipe soignante, j’ai appris des techniques pour réussir à chaque fois».
Six semaines plus tard, les participants sont conviés à un module de validation pour échanger sur leurs expériences. Un retour important, afin de régler les éventuels problèmes, partager des astuces et apprendre quelques notions théoriques supplémentaires.
Une dernière session facultative de consolidation permet de faire le point quelques mois plus tard et rappeler des notions essentielles. «Nous nous sommes vite rendu compte que parler de leur expérience est un élément important pour les patients, constate le Dr Frédéric Sittarame, médecin spécialisé en enseignement thérapeutique au Service de cardiologie et membre de l’équipe formatrice. On a l’impression que les participants vont aussi mieux psychologiquement, car ils trouvent du sens à ces tests et se sentent plus indépendants.»
Remboursé par l’assurance
Dès la fin du module de validation, les participants reçoivent une attestation pour que l’appareil de poche soit remboursé par les caisses maladies. «Les traitements anticoagulants font partie du top dix des médicaments ayant entraîné une hospitalisation, souligne Liliane Gschwind, pharmacienne et membre de l’équipe formatrice. Grâce à ces appareils d’automesure, les patients se situent plus souvent dans la fourchette de coagulation souhaitée et sont donc moins à risque de saigner ou de faire une thrombose.» Au-delà des enjeux de prévention, les participants constatent un vrai gain en termes d’autonomie. «La relation avec le cardiologue reste bien sûr très importante, mais pouvoir aussi vérifier moi-même où j’en suis me rassure», admet Serge.
* L’INR – International Normalized Ratio – est un des indicateurs de la coagulation sanguine.
Les traitements anticoagulants, c’est quoi?
Les médicaments antivitamine K (dont les plus connus sont le Sintrom et le Marcoumar) servent à fluidifier le sang. Ils sont en général prescrits aux personnes à risque de développer des caillots dans les vaisseaux sanguins, par exemple suite à un AVC, un infarctus, une phlébite ou une embolie pulmonaire. Le traitement doit cependant être surveillé de près. Si le sang n’est pas assez fluide, le patient est à risque de développer un caillot dans les veines. S’il est au contraire trop fluide, il y a un risque hémorragique. Or plusieurs facteurs (comme l’alimentation, certains virus ou d’autres médicaments par exemple) peuvent faire varier la fluidité. Chaque patient a donc besoin d’une dose différente qui doit régulièrement être ajustée
Texte:
- Aude Raimondi
Photos:
- Nicolas Righetti | lundi13
Savoir +
L’équipe de formation
- Médecins : Dr Georg Ehret, Dr Frédéric Sittarame (cardiologie), Pr Pierre Fontana, Dre Françoise Boehlen (hémostase), Dre Liliane Gschwind Tran (pharmacie).
- Infirmières : Anne Bevand, Françoise Bonfils, Claude Guéguéniat, Elise Guillermet.