Ni patiente ni soignante, Patricia Hudelson est hors catégorie au sein des HUG. Sa mission depuis quinze ans n’en est pas moins de taille : trouver des solutions au défi sans cesse accru du choc des cultures à l’hôpital.
A l’hôpital, elle est un ovni. Tour à tour observatrice, médiatrice, confidente, analyste et enseignante, Patricia Hudelson exerce son métier d’anthropologue médicale dans un contexte pour le moins inhabituel. « Traditionnellement, les anthropologues parcourent le monde pour étudier les sociétés elles-mêmes, explique la spécialiste. L’anthropologie médicale examine la façon dont les cultures (y compris la culture médicale) traitent les questions de santé. L’idée est en retour d’apporter des solutions concrètes au profit de la médecine elle-même. »
Barrière invisible
Un luxe ? Loin de là ! « Les HUG ont toujours été caractérisés par une grande diversité socioculturelle, explique l’anthropologue médicale. Aujourd’hui on y entend 75 langues différentes et surtout un patient sur douze ne maîtrise pas du tout le français. L’obstacle de la langue est une barrière invisible mais redoutable qui se dresse entre les professionnels de la santé et les patients, les emmurant chacun dans des compréhensions erronées. Les conséquences pour la qualité et les coûts des soins peuvent se révéler désastreuses. » Concrètement : des traitements non suivis, des rendez-vous manqués, des hospitalisations vécues dans la détresse de ne pas comprendre ce qui se passe…
Appelée par les médecins, sollicitée pour rencontrer des patients, mobilisée par des études d’observation dans divers services et investie dans des cours donnés aux étudiants en médecine, Patricia Hudelson ne cesse de mettre à profit et d’enrichir sa formation américaine – et sans équivalent en Suisse – en anthropologie médicale appliquée.
Terre exotique
C’est au Canada, puis aux Etats-Unis, son pays d’origine, que Patricia Hudelson se forme à cette discipline qui la fascine. « On choisit de devenir anthropologue pour découvrir d’autres modes de pensée et confronter ses idées préconçues à celles des autres », admet-elle en souvenir notamment de ses années passées au Nicaragua.
Son ouverture au monde la conduira à Genève. « Quand l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) m’a proposé un poste, je n’ai pas hésité une seconde ! » raconte l’Américaine devenue depuis Américano-suisse. Dix ans plus tard, c’est en organisant une conférence aux HUG d’un anthropologue en visite à l’OMS qu’elle croise la route du Pr Hans Stalder, alors directeur du Département de médecine communautaire. Une problématique est dans les murs : affronter les nouveaux défis de la médecine des migrants au sein de l’hôpital.
L’entente est immédiate et les portes s’ouvrent grand pour l’experte, qui confie : « J’ai eu une chance inouïe d’arriver aux HUG, c’est la terre la plus exotique que je n’ai jamais connue ! Les défis sont immenses, les interactions humaines fascinantes et les enjeux individuels tellement importants. » Cinq ans plus tard, le Pr Jean-Michel Gaspoz, nouveau directeur du Département de médecine de premier recours, soutient à son tour l’anthropologie à l’hôpital avec un objectif : que tout soit fait pour assurer une qualité des soins égale pour tous les patients.
Depuis 2007, Patricia Hudelson propose, avec la Dre Melissa Dominicé Dao, des consultations transculturelles destinées aux soignants des HUG, mais également des formations liées au travail avec les interprètes. « Faire fonctionner le duo patient / soignant en présence d’un interprète est un défi en soi, souligne Patricia Hudelson. Et cela n’est pas un détail quand on sait que les HUG ont comptabilisé plus de 30’000 heures d’interprétariat en 2016 ! »
Ses envies aujourd’hui ? « Intégrer plus d’anthropologie dans la formation des médecins et poursuivre les défis qui m’attendent aux HUG », confie la quinquagénaire qui, loin des Etats-Unis, savoure de venir travailler en vélo depuis son quartier des Eaux-vives et s’échapper le week-end à la montagne.
1961 Naissance à Cazenovia, New York (Etats-Unis)
1983 Bachelor en anthropologie sociale, Université de McGill, Montréal (Canada)
1898 Doctorat en anthropologie médicale appliquée, Université du Connecticut (Etats-Unis)
1989 Chercheuse au Département de santé internationale Université de Johns Hopkins (Etats-Unis)
1991 Arrivée à l’Organisation mondiale de la Santé, Genève
2001 Arrivée aux HUG
2007 Mise en place de la Consultation transculturelle aux HUG
Texte:
- Laetitia Grimaldi
Photos:
- Julien Gregorio
Défis
En croisant la route des HUG, Patricia Hudelson s’est confrontée à des défis qui ne cessent de la passionner.