Les technologies numériques prennent une place toujours plus grande dans le système de santé. Selon le Pr Antoine Geissbuhler, médecin-chef du Service de cybersanté et de télémédecine et responsable du Centre de l’innovation, il faut veiller à en garder le contrôle.
Pulsations Comment définiriez-vous la cybersanté?
Antoine Geissbuhler C’est l’utilisation raisonnée des technologies numériques pour améliorer le système de soins et de santé. J’insiste sur le terme «raisonnée», car il y a plusieurs façons d’employer ces technologies. Il faut apprendre à les maîtriser afin qu’elles ne se placent pas entre les humains, mais qu’au contraire elles les connectent, les relient.
Pouvez-vous nous donner un exemple?
Prenez «MonDossierMedical.ch» : il regroupe les infrastructures utilisant le numérique pour faire circuler, de manière sécurisée et sous le contrôle du patient, des informations de santé qui vont faciliter le travail de toute l’équipe médicale qui l’entoure et conduire, on l’espère, à de meilleurs soins. On souhaiterait compléter ce dossier électronique par des services à valeur ajoutée qui vont par exemple permettre aux médecins, aux infirmières et aux pharmaciens de s’assurer que le patient prend régulièrement les bons médicaments. Ces services seront déployés sur les téléphones mobiles, qui vont être de plus en plus connectés à des capteurs présents dans l’environnement ou sur la personne, voire dans son corps. On pourra notamment suivre en temps réel la glycémie d’un patient diabétique ou localiser une personne ayant des troubles cognitifs pour qu’elle ait une plus grande liberté de mouvement tout en bénéficiant de plus de sécurité.
Y a-t-il d’autres outils de ce genre en développement?
Oui, certains sont destinés à modifier le comportement des utilisateurs afin de les inciter à manger plus sainement et à faire de l’exercice physique. Toutefois, pour donner lieu à des bénéfices à long terme sur la santé, ces changements d’habitude doivent perdurer. Il faut donc éviter que les utilisateurs ne se lassent d’employer ces outils. Pour surmonter ce défi, des équipes s’inspirent des jeux vidéo et travaillent sur la motivation, les émotions, les récompenses, afin de créer une certaine émulation. Il faudra développer des interfaces sociales, mettant les utilisateurs en relation les uns avec les autres, l’informatique jouant un rôle de facilitateur.
Ces technologies ne vont-elles pas conduire à une plus grande déshumanisation de la médecine?
Le risque des avancées technologiques, notamment l’arrivée des robots et de l’intelligence artificielle, c’est de modifier les relations interhumaines. Il faut se poser la question: ces outils apportent-ils des gains à l’individu et à la société, ou vont-ils nous faire perdre le contrôle sur notre manière de penser – ce que les géants du numérique (Google, Facebook, etc.) sont accusés de provoquer? Notre société doit faire des choix. Je suis convaincu qu’en Europe, nous avons des réglementations, une mentalité et une culture qui nous permettront de trouver le bon équilibre pour utiliser les technologies en accord avec nos valeurs et notre organisation sociale.
Le Centre de l’innovation
«Chacun peut faire la différence.»
Ce message, affiché à l’entrée du Centre de l’innovation des HUG, résume bien les objectifs de cette structure créée en avril 2017. Son but est de faire en sorte que tous les collaborateurs de l’Hôpital se sentent concernés par l’innovation et proposent de nouvelles idées, qui seront écoutées, évaluées, testées et, pour certaines d’entre elles, mises en œuvre.
Texte:
- Elisabeth Gordon
Photos:
- Nicolas Schopfer