D’ici fin 2020, des centres pour maladies rares et des centres de référence verront le jour en Suisse.
Une maladie est rare lorsqu’elle touche moins de 5 personnes sur 10‘000. Elle est chronique, invalidante et peut mettre le pronostic vital en jeu. On en dénombre aujourd’hui entre 7‘000 et 8‘000, dont 80% sont d’origine génétique. Prises dans leur ensemble, elles touchent tout de même près de 600‘000 personnes en Suisse! Ces dernières sont souvent livrées à elles-mêmes, notamment en raison d’une errance diagnostique. Leur complexité a donné lieu à la création, en 2017, d’une Coordination nationale des maladies rares, la KOSEK – Koordination Seltene Krankheiten. Le point avec la Dre Loredana D’Amato-Sizonenko, médecin adjointe au Service de médecine génétique et responsable du portail romand des maladies rares.
Pulsations Quel est le rôle de la KOSEK?
Dre D’Amato-Sizonenko Elle a pour objectif de mettre en place, d’ici fin 2020, des centres pour maladies rares qui devront poser les diagnostics afin de réduire l’errance médicale et des centres de référence qui effectueront les prises en charge. Elle doit aussi créer un système de codage efficace pour ces maladies et établir un registre national pour disposer, entre autres, de données épidémiologiques.
Quels seront les centres pour maladies rares?
Sept sites hospitaliers, dont les HUG, ont manifesté leur intérêt pour obtenir ce label. Avec le Centre de génomique médicale, les HUG sont prêts, car ils disposent d’une plateforme diagnostique unique.
Que faut-il pour être désigné centre de référence?
Chaque centre devra mettre en place des réseaux entre hôpitaux, suivre un certain nombre de patients, offrir une approche multidisciplinaire et une bonne transition enfant-adulte, avoir une activité scientifique, participer à des essais cliniques et collaborer avec les associations de patients. Ces centres seront spécialisés dans un domaine particulier: neuromusculaire, métabolique, cardiaque, endocrinien, etc. Les HUG pourront se positionner comme centre de référence pour plusieurs groupes de maladies rares. À plus long terme, la reconnaissance sur le plan national devrait permettre à ces centres d’intégrer les réseaux européens de référence.
Quels sont les bénéfices pour le patient?
Comme les maladies rares nécessitent des efforts combinés, la valeur ajoutée réside dans une prise en charge multidisciplinaire où les différents spécialistes interviennent de façon coordonnée.
Un portail romand d’information
Les HUG ont mis en place en 2013, en collaboration avec le CHUV, le portail romand d’information sur les maladies rares. Il comporte notamment des fiches d’informations détaillées sur les maladies et les soutiens à disposition dans chaque région, comme les associations, groupes de parole, services sociaux, soins à domicile, aide administrative. Un service d’assistance téléphonique complète l’offre. Les HUG sont également le siège d’Orphanet Suisse depuis 2001, outil de santé publique donnant un accès gratuit à une information de haute qualité aux personnes vivant avec des maladies rares.
«On a enfin mis un nom sur ses difficultés»
L’enfance de Loris n’a rien d’une sinécure. À 4 ans, on lui diagnostique une épilepsie. Mais il souffre aussi de troubles du comportement, de difficultés d’apprentissage et de problèmes de motricité fine. Ses débuts scolaires sont difficiles. «Colérique et rebelle, il a du mal à être en groupe. Il rejoint une institution spécialisée», explique Lidia, sa maman.
Durant plusieurs années, Loris multiplie, sans succès, les traitements antiépileptiques. À 10 ans, en septembre 2017, il effectue un bilan approfondi pour son épilepsie réfractaire, incluant des analyses génétiques. Quelques mois plus tard, le verdict tombe: Loris est atteint d’un syndrome de déficit en transporteur du glucose de type 1, ou maladie de De Vivo. La mutation d’un gène, qui code pour une protéine transportant le sucre du sang au cerveau, est à l’origine de cette maladie rare qui explique l’ensemble de ses symptômes. «On a enfin mis un nom sur la cause des problèmes de notre fils, qui a commencé un nouveau traitement», commente Lidia. Il s’agit d’un régime cétogène, riche en lipides et pauvre en hydrates de carbone, qui permet un contrôle des crises.
Depuis septembre dernier, place à la crème, à la viande, aux œufs et autres poissons gras. «Fini les pâtes et les gâteaux: notre enfant ne peut manger que 20 grammes de glucides par jour! Nous sommes suivis par une diététicienne et un médecin dans cet exercice astreignant qui demande beaucoup d’organisation», relève la maman. Et d’ajouter: «Loris est extrêmement courageux de suivre ce régime qui a bouleversé son quotidien et sa vie sociale. De notre côté, nous participons de façon proactive à l’amélioration de sa vie de tous les jours et au suivi de son développement.»
Dossier génomique
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Texte:
- Giuseppe Costa
Photos:
- Julien Gregorio