Texte: 

  • André Koller

Photos: 

  • Louis Brisset

Expliquer simplement la complexité

Reconnue dès les années 1970 aux États-Unis, la profession de conseiller en génétique ne compte encore que huit représentants en Suisse romande. Présidente de l’Association suisse créée en 2016 et conseillère au Service de médecine génétique, Anne Murphy estime que ce métier va connaître un fort développement dans les années à venir.

Pulsations Quel est le rôle d’un conseiller en génétique?
Anne Murphy
 La génétique est un domaine obscur pour la plupart des gens. Notre rôle consiste avant tout à traduire une information médicale complexe dans un langage simple accessible au grand public. Lors de la première consultation dans notre service, nous prenons le temps d’exposer, avec des analogies parlantes, les bases de cette science. En collaboration avec le médecin généticien, nous décrivons ensuite les spécificités des pathologies génétiques. À savoir, comment des mutations modifient l’ADN et quelles peuvent être les conséquences sur l’organisme. Nous expliquons aussi les mécanismes de l’hérédité, soit les modes de transmission d’une génération à l’autre.

À quel moment intervenez-vous?
Nous sommes présents dès la première consultation lorsqu’il s’agit de dessiner et comprendre un arbre généalogique. Par la suite, le conseiller en génétique est un peu le fil rouge de la prise en charge. Il fait le lien avec les différents acteurs du processus: médecins, biologistes, etc.

Quelles qualités sont requises?
Il faut aimer le relationnel et, en même temps, s’intéresser à l’aspect scientifique. Il faut avoir de l’empathie pour adapter le niveau de langage à chaque interlocuteur. Nous devons tenir compte de son état émotionnel, ses souhaits, son projet de vie. Mais aussi de la culture et des valeurs éthiques de chacun… c’est assez exigeant!

Que dites-vous aux patients avant le séquençage de leur ADN?
En plus de répondre à la question posée – quelle mutation est responsable de la maladie? –, le séquençage livre une foule d’informations. Il est donc essentiel de bien expliquer la nature de ces différents résultats afin que chacun puisse choisir ce qu’il souhaite savoir ou non. Par exemple, on peut trouver une mutation dont le rôle dans la maladie observée n’est pas encore clairement établi. Ce sont les Variant of Unknown Significance (VUS). Ou alors, des mutations que l’on ne cherchait pas, mais qui augmentent le risque d’avoir une maladie dont le patient ne souffre pas encore et pour laquelle il existe ou non des traitements. Et puis, il y a les altérations touchant des gènes récessifs. Dans ce dernier cas, le porteur de la mutation n’est pas concerné. Mais ses enfants pourraient l’être. Toutes ces possibilités sont discutées avant l’analyse de l’ADN, au moment de signer le consentement éclairé.

Que se passe-t-il lorsqu’on ne trouve rien ou un VUS?
Les progrès en génétique vont tellement vite que nous fixons un nouveau rendez-vous avec le patient dans les 18 à 24 mois. Avec l’espoir, cette fois, d’avoir des réponses satisfaisantes.
 

«Je suis rassurée pour les descendants»

Raphaël naît le 1er juin 1991. Dès le lendemain, une pneumonie l’oblige à passer une semaine dans une couveuse. C’est le début d’un long chemin de croix pour cet enfant maigre, de petite taille, avec un faible tonus musculaire, ayant des difficultés à prendre du poids et, plus tard, présentant une déficience intellectuelle. Sa mère Christine et son père multiplient les visites chez les spécialistes sans trouver de réponses à ses problèmes. Ils rencontrent un premier généticien à six mois, puis un autre à cinq ans. Sans succès.

Durant son enfance, ergothérapeute, psychomotricienne, logopédiste occupent le quotidien de Raphaël. À 13 ans, il est finalement placé dans une institution fermée pour des personnes en situation de handicap. «En 2013, je suis retournée voir le généticien qui nous avait reçus 22 ans plus tôt, raconte la mère. Je n’espérais pas de traitements, mais je voulais m’assurer que les descendants de mes deux autres fils ne risquaient pas la même chose.»

Ce n’est que cinq ans plus tard, en juin 2018, qu’on la rappelle, car on a trouvé le gène responsable. Enfin une bonne nouvelle: les deux autres enfants de Christine ne sont pas porteurs de la mutation. «C’est la faute à pas de chance pour Raphaël, mais je suis rassurée pour les descendants de ses deux frères», relève-t-elle.

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