Le navire hospitalier vit une période plus que mouvementée depuis mars 2020. Le Service de médecine interne générale (SMIG), en particulier, s’est retrouvé au cœur d’une tempête inédite. Mais quelles sont ses activités? Rencontre avec le Pr Jean-Luc Reny, à la barre du service depuis 2018.
Pulsations : La pandémie a particulièrement impacté votre Service de médecine interne générale. Comment avez-vous traversé cette situation ?
Pr Jean-Luc Reny : Lors de la première vague, nous avons improvisé en temps réel – mais avec le maximum d’anticipation – face à l’afflux important de patients. Pour la deuxième vague, nous avions préparé certaines hypothèses… qui ont très rapidement été dépassées. En plus des 20-30 patients «hors Covid» que nous avons par jour en moyenne, notre service a absorbé jusqu’à plus de 50 nouvelles entrées «Covid» supplémentaires quotidiennes, triplant ainsi la fréquentation. Ça a été très difficile et nous pouvons être fiers des résultats et de la collaboration avec les services partenaires au sein des HUG. Aujourd’hui, nous ne sommes pas encore revenus à notre activité habituelle, il reste des patients Covid, mais aussi post-Covid.
Comment vous êtes-vous organisés dans l’urgence ?
Cela s’est traduit par des ouvertures d’unités – parfois deux par jour – de 18 à 26 lits, avec un personnel compétent qu’il a fallu trouver. Nous avions prévu des ressources humaines durant l’été, tant au niveau médical que soignant. Nous avons également fait appel à d’autres services de notre département, à d’autres départements et à des collègues extérieurs aux HUG. Cela a permis notamment de maintenir des patients en soins intermédiaires, en évitant de surcharger les soins intensifs.
Comment fonctionne votre service habituellement ?
Le SMIG est la colonne vertébrale de l’hôpital. C’est un service de médecine interne qui travaille avec toutes les spécialités, comme les maladies infectieuses, la cardiologie, l’immunologie, la pneumologie, la néphrologie… Pour des soins médicaux aigus, nous avons un fonctionnement très matriciel entre la médecine interne et les différentes spécialités de médecine. Nous apportons ainsi le meilleur des deux compétences au chevet des patientes et patients. Il existe des unités angiologie-MIG, pneumologie-MIG, cardiologie-MIG, etc.
Ce service est moins souvent mis en lumière que d’autres spécialités… Pourquoi ?
D’un point de vue technologique, nous ne sommes pas dans une médecine hautement spécialisée. Ce qui intéresse le grand public, les médias, c’est justement ce qui est à la pointe de la technicité. Chez nous, elle est remplacée par des connaissances transversales assez larges qui nous permettent d’assurer une prise en charge globale du patient intégrant la décision partagée. L’autre force de la médecine interne est de s’appuyer sur une approche diagnostique qui a du sens, en basant notre pratique sur les faits, les preuves, et une utilisation rationnelle des tests à disposition.
Celle qu’on appelle la «médecine du futur» doit-elle aussi avoir sa place dans votre service ?
Totalement. Nous travaillons beaucoup sur cette notion de «Smarter Medicine», la personnalisation des traitements, la relation avec le patient pour une décision partagée et surtout le «Smarter Testing», qui consiste à faire des examens quand ils apportent vraiment quelque chose à la prise en charge. Des progrès restent à faire, certes, mais l’innovation peut aussi avoir sa place dans notre service. Nous sommes par exemple en train de mettre en place l’utilisation de l’ultrason au lit du patient, en remplacement du stéthoscope, pour évaluer certaines infections pulmonaires ou des anomalies cardiaques simples.
La recherche est également l’une de vos forces…
Oui, nous travaillons autour de trois grands axes : les maladies fréquentes (insuffisance cardiaque, pneumonie, médicaments contre la thrombose, etc.), les maladies rares et l’éducation en lien avec l’«evidence-based medicine», la médecine basée sur les preuves. Nous avons mis au point, avec un partenariat large, une plateforme de recommandations pour le Covid-19, reconnue et utilisée internationalement, dont le but est la synthèse et la dissémination de résultats obtenus en recherche clinique et à travers des consensus d’experts.
Texte:
- Clémentine Fitaire
Photos:
- Nicolas Righetti | lundi13