Texte: 

  • Elodie Lavigne

Photos: 

  • Steve Gschmeissner

Le tumor board moléculaire

Les situations médicales complexes sont discutées dans un colloque multidisciplinaire.

Certains cancers ne répondent pas aux traitements standards. D’autres sont suffisamment rares pour qu’il n’existe pas de recommandations thérapeutiques à large échelle. Ces cas doivent être regardés sous l’angle moléculaire afin de mettre en lumière les particularités de la tumeur en vue d’une approche thérapeutique personnalisée.

Ces situations complexes sont abordées au tumor board moléculaire, un colloque multidisciplinaire commun aux HUG et au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Il réunit, en visioconférence, différents spécialistes : oncologues, pathologistes moléculaires, spécialistes en modélisation moléculaire, en bio-informatique et en génétique, etc. Le tumor board moléculaire peut également être sollicité par les oncologues travaillant dans le privé pour un avis thérapeutique à propos d’une situation clinique. « Prenons l’exemple d’un diagnostic de cancer du côlon. À l’origine de ce type de cancer, nous retrouvons une mutation classique chez une majorité de malades. Mais il arrive que les analyses moléculaires révèlent l’existence d’une mutation génétique inattendue pour ce cancer. De nouvelles analyses seront effectuées (séquençage génétique, modélisation de la tumeur, etc.) afin de déterminer quel traitement sera adapté en présence de cette mutation », illustre le Dr Petros Tsantoulis, co-responsable du tumor board moléculaire.

Dr Petros TSANTOULIS.

Dr Petros TSANTOULIS, co-responsable du tumor board moléculaire, un colloque multidisciplinaire commun aux HUG et au CHUV.

Une médecine prédictive

Selon les cas, le tumor board suggère une consultation oncogénétique pour évaluer les risques chez des patientes et patients ayant des antécédents médicaux ou familiaux, ainsi que des mesures de prévention et de surveillance de ces personnes et de leurs proches. Ce colloque oriente également les malades vers de nouveaux traitements dans le contexte d’études cliniques. Ainsi, un ou une patiente genevoise pourra bénéficier d’un traitement initié à Lausanne et inversement. Enfin, à travers cette réunion d’experts et d’expertes, les HUG poursuivent leur mission universitaire de formation et de recherche. « Peu à peu, nous essayons d’accumuler des connaissances et de mieux comprendre les formes plus rares de cancers pour lesquels nous manquons de traitements », ajoute le Dr Tsantoulis.

Depuis sa création il y a cinq ans, environ 2500 patients et patientes ont profité de cette centralisation des compétences au niveau romand. « Une activité comparable à celle des grands centres européens », se réjouit le spécialiste, qui est également co-responsable du tumor board moléculaire national.

Le Centre des cancers en appui

Le Centre des cancers des HUG, créé en 2010, coordonne la meilleure stratégie diagnostique et thérapeutique en mettant en commun les compétences multiples nécessaires à la prise en charge des patientes et patients atteints d’un cancer. Il standardise et informatise l’organisation de 17 tumor boards hebdomadaires (par pathologie), offrant ainsi une base de données cliniques prospective extrêmement riche pour l’oncologie de précision. Il est placé sous la direction du Pr Nicolas Mach et du Pr Frédéric Ris, directeur adjoint.

Les nouveaux axes de traitement

L’arsenal des thérapies contre le cancer ne cesse de s’agrandir. L’immunothérapie compte parmi les plus prometteuses. Cette approche consiste à stimuler les défenses immunitaires de l’organisme pour détruire les cellules cancéreuses et combattre la maladie. Le point fort de l’immunothérapie est son aptitude à déjouer les changements incessants de la tumeur. « Les cellules immunitaires, comme les lymphocytes T, nous intéressent, car elles sont plus stables et plus stéréotypées que les cellules tumorales », explique le Pr Mikael Pittet de l’Université de Genève (UNIGE). Ce type de traitement est aujourd’hui efficace contre certains cancers, notamment ceux du poumon, du côlon et de la peau (mélanome), mais il ne l’est pas pour tous les cancers et toutes les personnes malades. L’enjeu de l’immunothérapie de précision, véritable fer de lance de la discipline, est justement d’identifier, via des biomarqueurs (ou caractéristiques biologiques), les personnes qui pourraient répondre à ce type de traitements.

Un pas de plus dans l’individualisation

La thérapie cellulaire est un pas de plus dans l’immunothérapie de précision dans la mesure où elle s’appuie sur les défenses immunitaires propres à chaque patient ou patiente pour attaquer les cellules tumorales. Elle consiste à prélever les lymphocytes T de la personne malade et à les reprogrammer génétiquement en laboratoire. « Nous les dotons de récepteurs artificiels qui les rendent capables de reconnaître une cible (ou antigène) exprimée à la surface des cellules cancéreuses, afin de les détruire », explique le Pr Denis Migliorini, professeur à la Faculté de médecine de l’UNIGE, médecin responsable de l’Unité de neuro-oncologie des HUG et titulaire de la chaire ISREC en immunologie des tumeurs cérébrales. Ces lymphocytes modifiés, appelés CAR-T (pour Chimeric Antigen Receptor-T cells ou lymphocytes T dotés de récepteurs antigéniques chimériques), sont ensuite réinjectés dans la circulation sanguine.

Cette technique révolutionnaire est particulièrement efficace dans le cas des leucémies infantiles et des lymphomes de haut grade chez l’adulte, jusqu’ici très difficiles à soigner. Malgré ces progrès spectaculaires, ces traitements devront évoluer pour devenir efficaces dans le traitement des tumeurs dites « solides » (dans le cerveau, le pancréas, les ovaires ou au niveau colorectal). En effet, les thérapies cellulaires n’en sont qu’à leurs balbutiements. Des versions « sur mesure » ciblant à la fois les marqueurs de cellules tumorales, mais aussi leur environnement, sont en cours de développement et seront testées en clinique prochainement.

Pr Denis MIGLIORINI,

Pr Denis MIGLIORINI, professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Genève, médecin responsable de l’Unité de neuro-oncologie des HUG et titulaire de la chaire ISREC en immunologie des tumeurs cérébrales.

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