C’est une maison pas comme les autres, dédiée aux enfants, aux jeunes et à leurs familles, où tout concourt à apaiser. Les vastes espaces, le bois omniprésent, la lumière en abondance et un singulier mélange de vie et de douceur au sein duquel quelques blouses blanches circulent. Elles rappellent qu’il s’agit bien ici d’un lieu de soins où sont pris en charge corps et psychismes tourmentés par la vie ou la maladie. La Maison de l’enfance et de l’adolescence (MEA) réunit les onze consultations de pédo-psychiatrie des HUG, qui étaient jusque-là réparties sur plusieurs sites, et fait bien plus encore…
Née sous l’impulsion du Pr François Ansermet, précédent médecin-chef du Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SPEA), et de son équipe, la Maison de l’enfance et de l’adolescence (MEA) élève aujourd’hui ses six étages à quelques pas de la Maternité et de l’Hôpital des enfants des HUG. Si elle incarne un concept inédit et novateur visant à déstigmatiser la maladie psychique, elle regroupe désormais toutes les unités ambulatoires et hospitalières du SPEA, la Consultation ambulatoire de santé des adolescents et jeunes adultes (CASAA) du Service de pédiatrie générale et la Consultation santé et mouvement du Service des spécialités pédiatriques.
Visite guidée express
Commençons par une rapide visite des lieux. Au REZ-DE-CHAUSSÉE et au SOUS-SOL, place à l’accueil, au lien, à l’échange et à la culture, avec diverses zones d’exposition et d’expression, une salle de spectacle, une chaleureuse cafétéria, une salle de cinéma ou encore les locaux du Bioscope. Désormais installé à la MEA, ce dernier y concocte ses incontournables ateliers destinés aux écoles genevoises. Les PREMIER et DEUXIÈME ÉTAGES accueillent les tout-petits et leur famille, au travers de l’Unité de guidance petite enfance, ainsi que la consultation MEME (santé Mentale Enfants-adolescentes et adolescents Migrants).
Bioscope : Laboratoire public des sciences de la vie et des sciences biomédicales de l’Université de Genève et de la Fondation Convergences.
Le TROISIEME ÉTAGE réunit l’Unité de liaison ambulatoire et hospitalière (ULAH), consacrée aux enfants et jeunes en souffrance psychique pris en charge à l’Hôpital des enfants, la Consultation santé et mouvement, l’Unité alimentation et nutrition chez l’enfant et l’adolescent (AliNEA), spécialisée dans les troubles du comportement alimentaire et de l’alimentation, et CASAA. Au QUATRIEME ÉTAGE s’élabore la médiation thérapeutique, approche de soins organisés autour d’objets ou d’activités (dessin, musique, danse, cuisine, radio, etc.). Cet étage héberge également le secteur ambulatoire de crise et prévention de MALATAVIE unité de crise, destinée aux jeunes présentant un risque suicidaire, l’équipe mobile OEJ* - HUG (soutien pour les jeunes vivant en foyer ou en famille d’accueil) et domus (hôpital de jour). Les unités d’hospitalisation se situent quant à elles aux CINQUIEME et SIXIEME ÉTAGES.
* OEJ : Office de l’enfance et de la jeunesse
Quand la crise survient
Tout en poursuivant les collaborations avec les réseaux médico-sociaux extérieurs à l’hôpital, les équipes soignantes bénéficient des multiples synergies possibles au sein même de la MEA. «Cette organisation nouvelle est d’autant plus précieuse que les problématiques de santé complexes chez les jeunes, physiques ou psychiques, nécessitent souvent des approches spécialisées et multidisciplinaires, tant pour interpréter certains symptômes que pour apporter des réponses adaptées», observe la Dre Nathalie Nanzer, médecin-cheffe du SPEA des HUG. Et d’ajouter : «Notre époque instable, anxiogène, entachée d’une pandémie qui a laissé des traces, a un impact évident sur la santé psychique. Ces dernières années, les demandes de soins pour les troubles dépressifs, anxieux ou du comportement alimentaire ainsi que pour les addictions (en particulier aux écrans et aux jeux) ont nettement augmenté chez les jeunes. Au-delà de l’écrin magnifique et accueillant qu’elle représente, la MEA offre des perspectives inédites et réjouissantes pour prendre en charge la souffrance psychique si singulière des jeunes, en incluant les familles. Parfois, il s’agit simplement de les aider à dépasser des crises qui, aussi éprouvantes soient-elles, sont passagères, inhérentes à l’adolescence et à ses tourments.»
Mieux vaut consulter trop tôt
Dans le doute, dès lors que des symptômes interpellent et impactent le quotidien, la première chose à faire est d’en parler à son ou sa pédiatre ou médecin de famille. «Mieux vaut consulter trop tôt que pas du tout ou trop tard. Certains cas relèveront bel et bien des consultations proposées à la MEA, d’autres seront pris en charge par d’autres services des HUG ou au sein de cabinets en ville. L’offre de soins s’étoffe aujourd’hui considérablement et permet une personnalisation précieuse à des âges de construction clés», se réjouit la Pre Klara Posfay Barbe, médecin-cheffe du Service de pédiatrie générale des HUG. Témoin des réticences des jeunes à consulter, l’experte encourage : «L’adolescence tend parfois à zoomer sur ce qui ne va pas et à occulter tout le reste. Une partie des soins repose parfois sur la déconstruction de cette vision et la mise en lumière des ressources individuelles.» Un avis partagé par Joanna Manget-Neant, adjointe de la responsable des soins du SPEA des HUG : «Même en cas d’hospitalisation, les soins sont centrés sur les forces des jeunes et de leur famille plutôt que sur les difficultés présentes ou un diagnostic qui aurait tendance à “enfermer”. La MEA, avec son concept innovant, favorise la rencontre au sens large : celle des jeunes avec les équipes soignantes, avec leurs pairs, avec le réseau de soins et finalement avec le monde.»
Ouverture au monde extérieur
Cette ouverture, à l’autre et au monde, est en effet au cœur même des principes de la MEA. Pour l’incarner, la Fondation Convergences, institution de droit privé, a été créée, en intégrant notamment les équipes créatives d’Artopie et du Bioscope. Son ambition : proposer une multitude d’activités et d’expériences artistiques, sportives et culturelles, au sein des murs de la MEA comme à l’extérieur, tant aux jeunes ayant besoin de soins qu’aux autres. «Ici le dedans et le dehors communiquent, comme pour souligner que l’hôpital et la cité sont inextricablement liés. Dans ce contexte, la mission de la Fondation Convergences est d’œuvrer à toujours plus de considération de l’humain, quel qu’il soit. Dans cet “hôpital autrement”, la différence est la bienvenue et la vie, omniprésente», résume Linn Levy Orci, directrice de la Fondation Convergences.
La MEA est le fruit d’un partenariat entre les HUG, la Fondation Hans Wilsdorf et la Fondation Children Action, allié à des dons privés.
Texte:
- Laetitia Grimaldi
Photos:
- Nicolas Righetti | lundi 13