Depuis juin 2023, Pierre Maudet dirige le Département de la santé et des mobilités. Deux politiques publiques conduites tambour battant avec, pour la première, un objectif : protéger le capital santé de la population.
Pulsations : Vous dirigez la politique de la santé depuis deux ans. Qu’avez-vous découvert sur cet univers qui ne vous était pas familier ?
Pierre Maudet : J’ai découvert l’hôpital comme patient ! Trois jours après mon entrée en fonction, j’ai été opéré en urgence de l’appendicite aux HUG. J’ai pu ressentir la chance que nous avions, à Genève, de bénéficier d’une prise en charge sanitaire de grande qualité. Un peu plus tard, j’ai compris qu’au vu des pressions économiques et de l’évolution démographique, il faudrait s’atteler à des réformes en profondeur pour préserver cette chance.
Que faut-il réformer ?
Nous nous sommes longtemps focalisés sur les soins ambulatoires et hospitaliers, une fois la maladie déclarée. Avec le vieillissement de la population, la prédominance des maladies chroniques et le renchérissement des traitements hospitaliers, cette approche a atteint ses limites. Il faut désormais encourager les comportements de santé, par la prévention et les soins à domicile. Moins recourir à l’hospitalisation, grâce à des actions concertées de l’Institution genevoise de maintien à domicile (IMAD), des HUG et du secteur privé. Les partenariats public-privé – comme le Centre de chirurgie ambulatoire HUG/ Hirslanden ou les maisons de santé – sont prometteurs à cet égard. Le secteur hospitalier se concentrera sur les prises en charge plus lourdes, nécessaires dans certains cas. Le privé joue à cet égard un rôle important à Genève, en assurant un tiers des soins aigus.
Quid des HUG ?
Dynamiques et dotés de talents remarquables issus de notre excellence universitaire, les HUG continueront de jouer un rôle d’avant-garde dans les soins de haute technicité, en investissant dans l’innovation et la recherche orientée patient. Il s’agit de préserver la plus-value universitaire et la médecine hautement spécialisée. Pour le reste, il faudra devenir plus agile : collaborer avec les autres acteurs, gérer les urgences domiciliaires de manière efficiente et positionner l’hôpital comme l’ultime recours, lorsque les solutions plus légères et moins invasives ne suffisent plus. Je sais bien que c’est une révolution copernicienne, mais ce qui doit nous guider, c’est l’intérêt du patient et de la patiente, leur santé et le maintien de leur autonomie le plus longtemps possible.
En matière de santé, beaucoup de décisions se prennent à Berne. Comment Genève peut-il faire entendre sa voix ?
En prenant l’initiative. Par exemple, le projet de caisse maladie publique intégrée à un réseau de soins a le mérite d’explorer une nouvelle voie en combinant la perspective d’un allégement des primes au développement de la prévention et des soins dans la communauté.
Ce projet promet d’enrayer l’augmentation des coûts et des primes maladie. Est-ce possible alors que la population croît et vieillit ?
C’est un défi. Mais si nous ne faisons rien, les primes continueront d’augmenter massivement. Une caisse publique apportera déjà de la transparence. Ensuite, la coordination optimale de tous les acteurs de soins, notamment des HUG et de l’IMAD, améliorera le suivi des patients, encouragera la prévention et évitera les interventions inutiles. C’est ce cercle vertueux qui peut contribuer à freiner l’augmentation des primes.
Quelle est votre vision pour les HUG ?
En premier lieu, je remercie tout le personnel des HUG, du personnel soignant aux médecins, en passant par les équipes administrative et technique, dont le travail et l’engagement permettent d’offrir des soins de grande qualité à la population. En tant que magistrat fortement attaché au service public, je défends une formation d’excellence, notamment à la Haute Ecole de santé Genève (HEdS), pour une relève qui se raréfie dans les professions de santé. En tant qu’hôpital public, les HUG doivent assumer une triple mission de proximité, de soins de référence et de haute technicité en s’adaptant à une demande de soins et d’accompagnement en mutation constante. Ce sont des défis passionnants qui doivent toutes et tous nous porter.
Texte:
- Alice Carroll
Photos:
- Nicolas Righetti | lundi 13