Trois questions au Pr Guido Bondolfi, médecin-chef du Service de psychiatrie de liaison et d’intervention de crise et du programme troubles anxieux des HUG.
Une situation de stress chronique, comme on le vit avec le Covid-19, peut-elle conduire à des troubles anxieux ?
Personne n’est à l’abri de développer un trouble anxieux et, certainement, les conditions de stress chronique liées à la pandémie augmentent le risque de dévoiler des traits de notre personnalité qui, dans des conditions normales, n’apparaissent pas aussi clairement. Cependant, il est évident que les personnes les plus à risque sont celles qui présentent déjà des traits anxieux qui ne s’étaient pas encore traduits par des manifestations pathologiques.
À force d’anxiété, peut-on basculer dans la dépression ?
Oui. Les troubles anxieux augmentent fortement le risque de dépression. Celle-ci s’y trouve associée dans environ 50 à 70 % des cas. Les attitudes d’évitement et la peur anticipatoire finissent immanquablement par épuiser, miner l’estime de soi et affecter le moral. Cela étant, un état dépressif peut aussi se prolonger par un trouble anxieux.
Un modèle parental inquiet augmente-t-il le risque d’avoir un enfant anxieux ?
Oui, dans la mesure où les parents anxieux vivent dans l’appréhension du pire et ont tendance à transmettre une vision menaçante du monde. La notion de danger diffus peut freiner les velléités d’exploration de l’enfant et l’amener à être constamment sur ses gardes.
Des racines dans l’enfance
Les enfants aussi peuvent souffrir d’anxiété. Éclairage avec la Dre Maeva Pellet, cheffe de clinique en pédopsychiatrie à la guidance infantile.
La peur des inconnus, de la séparation d’avec ses parents, des monstres, du noir, des catastrophes naturelles, de l’échec scolaire, de l’exclusion, etc. Toutes ces craintes sont normales et passagères. En grandissant, l’enfant acquiert de nouvelles compétences qui lui permettent de les dépasser. Mais il arrive, au gré des expériences de vie (déménagement, séparation, maladie, deuil, conflits, agressions, etc.), que l’anxiété prenne le dessus. Elle trouve alors toutes sortes d’expressions selon l’âge et le stade de développement : cris de panique, besoin constant des bras des parents, troubles du sommeil, plus tard difficultés de concentration, mutisme, maux de ventre, nausées, attaques de panique, etc. « Si ces comportements perdurent ou si les peurs de l’enfant sont un frein, il faut en parler au pédiatre. Plus on intervient tôt, moins l’anxiété aura d’impact sur son développement », explique la Dre Pellet. La guidance infantile propose des consultations thérapeutiques parents-enfants, des thérapies mère-bébé, des psychothérapies ou des groupes thérapeutiques jusqu’à 5 ans. Résultant parfois d’une vulnérabilité biologique, l’anxiété n’est pas une fatalité pour autant, conclut la pédopsychiatre : « Dans la majorité des cas, le trouble anxieux, même s’il constitue un facteur de risque, n’évoluera pas à l’âge adulte, à condition d’être bien soigné. »
Dossier Anxiété
- Comprendre l’anxiété pour mieux la gérer
- Stress, dépression, enfance : quelles influences ?
- Affronter pour se libérer
- Cartographie des troubles anxieux
Texte:
- Elodie Lavigne
Photos:
- Jérémie Mercier | DR | Louis Brisset