Texte: 

  • Clémence Lamirand

Photos: 

  • Fred Merz

Se former aux situations difficiles en toute sécurité

Depuis plusieurs années, des séances de simulation sont organisées à la Maternité et à l’Hôpital des enfants. Les équipes soignantes s’y entraînent sur des mannequins high tech, tant sur le plan technique que sur les aspects relationnels.

«Alex n’est pas comme d’habitude.» Ces mots teintés d’inquiétude ne sortent pas de la bouche d’un parent, mais de celle d’un acteur, père d’un jour du petit mannequin, aujourd’hui baptisé Alex. Allongé, ce dernier est en pleurs sur le lit de la salle de formation des urgences pédiatriques. Dans cette salle de réanimation dédiée, pour l’occasion, à la simulation (projet baptisé «SimKids»), toute l’équipe soignante, multidisciplinaire, s’affaire afin d’apporter les bons traitements à Alex et de trouver les mots justes à adresser aux parents.

L’objectif de l’exercice est d’améliorer les connaissances scientifiques et médicales, mais aussi de mieux communiquer, au sein de l’équipe comme avec les parents. «Par le passé, ils attendaient à l’extérieur de la chambre. Désormais, ils ont la possibilité de rester en permanence aux côtés de leur enfant, même si les conditions sont difficiles ou que son état se dégrade. Nous les intégrons au mieux afin qu’ils deviennent de vrais partenaires», explique le Pr Sergio Manzano, médecin adjoint du Service d’accueil et d’urgences pédiatriques (SAUP) et chargé, ce jour-là, de la simulation avec Alex.

Une simulation en trois temps

Par le biais de cet exercice, l’équipe apprend à affronter une situation ardue en conditions presque réelles, mais sans aucune conséquence pour la ou le jeune patient. Comme toute formation utilisant la simulation, celle avec Alex se déroule en trois temps : le briefing – qui rappelle les objectifs et précise le contexte –, l’exercice lui-même – chargé en tension et en émotions, mais généralement assez court –, et le débriefing, moment clé d’échanges et d’apprentissages.

Joué par un acteur, le père d’Alex fait part de sa grande inquiétude.

Joué par un acteur, le père d’Alex fait part de sa grande inquiétude.

Cette simulation aux urgences pédiatriques est également proposée dans les étages de l’Hôpital des enfants, avec ou sans acteurs pour jouer le rôle des parents. Et la Maternité a elle aussi son mannequin, pour le projet appelé «SimMat». Ainsi, régulièrement, une équipe se tient au chevet de «Victoria». Ce mannequin enceinte disposant, lui aussi, de nombreuses fonctionnalités est dit «de haute fidélité» puisqu’il peut saigner, convulser, accoucher, avoir du mal à respirer, etc. Lors de ces formations, «une équipe multidisciplinaire se retrouve face à une situation d’urgence, rare et complexe, un choc hémorragique par exemple, afin de s’entraîner aux protocoles de prise en charge et travailler plus efficacement ensemble», décrit la Dre Marie-José Lahoud, médecin adjointe au Service d’anesthésiologie. Ce service travaille depuis près de vingt ans avec l’équipe de néonatologie sur des projets de simulation.

Victoria est sur le point d’accoucher, avec l’ensemble de l’équipe soignante à ses côtés.

Victoria est sur le point d’accoucher, avec l’ensemble de l’équipe soignante à ses côtés.

Aussi en néonatologie

L’exercice (cette fois intitulé « SimNéo ») est en effet aussi régulièrement organisé autour d’une couveuse, avec toujours les mêmes objectifs de formation interprofessionnelle. Ici, le petit mannequin, dont le prénom change au gré des équipes, respire, bouge et pleure. « Lors de cet entraînement en conditions quasi réelles, nous devons gérer les aspects psychologiques, les émotions, le non-verbal, en parallèle de la technique elle-même… Ces séances sont très enrichissantes », décrit la Dre Cristina Felice-Civitillo, médecin adjointe ad intérim au Service de néonatologie et soins intensifs pédiatriques.

Le mannequin de néonalalogie respire, pleure, bouge.

Le mannequin de néonalalogie respire, pleure, bouge.

Ces formations – toutes financées par la Fondation privée des HUG, qui a aussi permis l'acquisition de certains mannequins – apportent beaucoup aux équipes. Selon les études menées dans ce domaine, être ainsi dans l’action, mais dans un milieu sécurisé et bienveillant, améliore notablement les apprentissages. Des bénéfices qui se répercutent directement sur la qualité des soins proposés dans les différents services.

Les simulations font travailler les personnes ensemble, en toute interdisciplinarité.
Le bébé et la maman se portent bien, l’exercice en conditions quasi réelles est terminé.
Le mannequin de néonalalogie respire, pleure, bouge.

DRE SARA DE OLIVEIRA, médecin adjointe au Service d’obstétrique

«Chaque scénario répond à un objectif pédagogique»

«Certaines simulations permettent de répéter des gestes techniques, d’autres portent sur une nouvelle procédure ou sur la collaboration d’équipe. Dans tous les cas, chaque scénario imaginé répond à un objectif pédagogique précis. SimMat existe depuis plus de dix ans, plus de 600 personnes ont été formées. C’est l’engagement émotionnel des équipes durant l’exercice qui fait que ces simulations sont si efficaces et que les apprentissages s’ancrent sur le très long terme.»

CHRISTELLE TOUVRON, infirmière chargée de formation au Département de la femme, de l’enfant et de l’adolescent

«La communication est l’une des priorités»

«Pour constamment améliorer nos pratiques, nous proposons depuis longtemps des simulations. Des médecins instructrices et instructeurs se sont formés et les scénarios sont aujourd’hui nombreux et variés. En pédiatrie, plus d’une centaine de simulations SimKids sont organisées chaque année, aux urgences, aux soins intensifs et dans les différents services de pédiatrie. Le volet communication est l’une des priorités. Grâce à la simulation, nous abordons différemment les échanges avec les parents et nous les prenons mieux en compte.»

DRE FRANCISCA BARCOS MUNOZ, médecin adjointe à l’Unité de néonatologie

«Partager notre expertise en simulation»

«Une chambre de l’Unité de néonatologie est dédiée à SimNéo. Le briefing met les équipes en confiance et leur donne les objectifs techniques et pédagogiques de la séance. Le scénario dure maximum quinze minutes et le débriefing qui suit, près d’une heure. Ayant développé une expertise dans le domaine de la simulation, nous souhaitons maintenant la partager, y compris à l’étranger. Récemment, en collaboration avec SimMat, nous avons formé des instructrices et instructeurs au Maroc pour qu’ils puissent encadrer leurs propres simulations.»

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