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Le défi des addictions comportementales

L’usage problématique d’Internet est pris en charge au programme NANT.

Alcool, drogues, tabac. L’addiction liée à un produit est largement répandue. Mais la difficulté peut aussi être liée à un comportement et s’installer sans qu’il y ait nécessairement de consommation de substance. Officiellement, on recense une seule addiction comportementale: l’addiction au jeu de hasard et d’argent ou jeu pathologique (JP). Pourtant, avec l’avènement des nouvelles technologies et d’Internet, un nouveau genre de trouble a émergé: l’usage problématique d’Internet, appelé aussi cyberaddiction. Il comprend l’utilisation excessive des jeux vidéo, de la pornographie en ligne et des réseaux sociaux. « Le problème se manifeste lorsqu’il y a un engloutissement dans une activité qui prend le dessus sur le reste avec des envies irrépressibles de faire cette activité malgré la souffrance que cela peut générer », relève la Dre Sophia Achab, médecin adjointe au service d’addictologie, responsable du programme NANT (nouvelles addictions, nouvelles thérapies).

Utilisation monomaniaque

Chaque trouble a ses spécificités. Ainsi, le JP en ligne touche plutôt des hommes dans la trentaine, isolés socialement, jouant à plusieurs types de jeu et misant gros. Si l’addiction aux jeux vidéo demeure une constante masculine, elle touche les plus jeunes, qui veulent échapper à une réalité douloureuse, recherchent la performance et ont une faible estime d’eux-mêmes. « Les plus addictifs sont les jeux de rôle en ligne massivement multijoueurs (par exemple World of Warcraft), où on se construit un personnage qui devient son avatar », précise la Dre Achab. L’usage excessif de la pornographie en ligne concerne davantage des hommes pouvant présenter des troubles de l’attachement (rupture, abandon). Enfin, l’engagement problématique dans les réseaux sociaux concerne plutôt les jeunes femmes qui auraient besoin d’exister dans un groupe via ce vecteur. « Sont concernées des personnes vulnérables qui rencontrent l’objet d’addiction à un moment de vie difficile (deuil, rupture, chômage) et qui vont utiliser de manière monomaniaque cette façon de se faire du bien », détaille la spécialiste. Concernant Internet, trop c’est combien ? « La réponse n’est pas universelle. Bien que le temps soit un facteur de risque de cyberaddiction, un usage excessif n’est pas forcément une addiction, surtout s’il n’existe pas de souffrance ni de conséquences de cet usage sur les domaines importants de la vie », répond la Dre Achab.

Perte de contrôle

Les répercussions sont elles par contre bien visibles. « En cas d’excès, ces troubles ont en commun la perte de contrôle et la négligence des activités quotidiennes, des symptômes de manque comme l’irritabilité et la tension interne, une tolérance avec un besoin accru de temps passé sur Internet et des effets sur la vie privée tel le mensonge à son entourage », explique la Dre Sophia Achab. Les cas les plus graves mènent à l’isolement social, à l’exclusion scolaire, au chômage, à des troubles graves du sommeil ou à une dépression sévère. Le programme NANT comprend des médecins, psychologues, infirmiers et assistants sociaux et s’adresse aussi bien aux adolescents qu’aux adultes. Il propose des psychothérapies individuelles ou groupales et une prise en charge en parallèle des troubles coexistants (difficultés financières majeures, problèmes de couple, conflits familiaux, troubles dépressifs ou anxieux, et consommation de substances toxiques). « Ces traitements s’inspirent largement de ceux déjà existants et ayant prouvé leur efficacité dans les addictions, par exemple l’approche motivationnelle », note la Dre Achab. Et de conclure: « Il ne faut pas banaliser ces situations qui génèrent de la souffrance. D’où l’importance de travailler sur la prévention et d’éduquer très jeune au bon usage d’Internet.»

La cyberaddiction mène à une perte des repères temporels et à un isolement social.

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