Texte: 

  • Giuseppe Costa

Photos: 

  • Pulsations

Aider sans s’épuiser

Une neuropsychologue conseille les aidants des patients atteints d’Alzheimer afin de leur éviter l’épuisement.

Lorsqu’une personne souffre de la maladie d’Alzheimer ou d’une autre démence, les atteintes portent sur les capacités cognitives et le comportement. Mais la maladie a aussi des répercussions sur les proches. « La prise en charge d’un patient dément a un fort retentissement sur l’humeur, la qualité et la santé physique et psychique des aidants. La dépression, l’isolement, le stress les guettent. Ils peuvent tomber malades à leur tour », relève Lara Fazio, neuropsychologue au service de gériatrie et responsable du programme d’information et de soutien – mémoire (PrISM).

D’où l’importance de leur apporter du soutien, car la charge due aux problèmes physiques, psychologiques, émotionnels, sociaux et financiers est lourde et éprouvante. « La qualité de l’aide qu’un proche peut apporter dépend beaucoup de sa santé physique et psychique: sa fatigue, sa nervosité, son anxiété se répercutent sur la personne dont il prend soin », note la spécialiste qui rencontre les familles aussi bien à la consultation mémoire que lors d’une hospitalisation.

Tisser un réseau d’aides

Le soutien diffère selon la situation et au fur et à mesure de la progression de la maladie. Lors de l’annonce du diagnostic, les proches cherchent avant tout à comprendre la situation. « Il s’agit surtout d’expliquer la nature de la maladie, son caractère évolutif et hétérogène et de répondre à toutes les questions. Je conseille de mettre sur pied un agenda et de tisser un réseau solide d’aides afin d’éviter le surmenage », explique Lara Fazio.

Avec l’évolution de la maladie, fatigue, tristesse, sentiment d’impuissance, de culpabilité ou de honte peuvent s’installer. Il est difficile pour un mari ou une épouse de voir son conjoint s’effacer petit à petit, en même temps qu’il perd ses souvenirs et ses possibilités de communication. D’autant qu’avec une démence sévère, des troubles du comportement apparaissent souvent. Dans ce cas, la neuropsychologue insiste sur l’importance de s’appuyer sur les capacités restantes : « Si un patient est très atteint dans sa mémoire épisodique, liée à un événement précis, mais pas dans ses habiletés et qu’il sait encore jouer du piano, profitez de ces moments. S’il sait encore s’habiller, laissez-le faire, sans surinvestir. »

Le soutien est un soin essentiel

Identifier les domaines où on peut lâcher prise, comprendre les angoisses, se mettre à la place du malade, relativiser, aller au rythme de la maladie sont des verbes qu’il faut désormais conjuguer. « Accepter ses propres limites et, surtout, de l’aide: assistante sociale, infirmière, aide à domicile, centre de jour, hospitalisation sont des ressources auxquelles on peut recourir », note Lara Fazio. Cette dernière rappelle que le soutien aux aidants est un soin essentiel: « Si on veut aider le malade, il faut aider le proche qui est en première ligne.»

« Accepter ses limites »

Le diagnostic de démence tombe comme un couperet. Dès son annonce, en 2011, le neurologue informe Nicole*, la conjointe de René*, de l’existence d’un programme de soutien. «J’ai tout de suite rencontré cette neuropsychologue. Elle m’a beaucoup apporté. Au début, elle m’a permis de déculpabiliser, car je n’avais rien vu venir. Elle m’a conseillée pour avoir les bonnes attitudes selon les situations et assumer paisiblement certains événements», explique-t-elle.

Au fil du temps, la dégradation intellectuelle de son mari se fait toujours plus présente: impossibilité de prendre des décisions, de conduire, d’utiliser son ordinateur, etc. «Ce n’est pas facile à accepter. C’est une autre personne qui devient un poids. Grâce à l’aide, j’ai pu vivre plus sereinement ce qui m’arrivait, m’adapter à la situation, être dans le ‹ ici et maintenant › et faire le deuil qu’il ne sera plus celui d’avant: c’est un véritable soutien vital», relève Nicole.

Depuis trois ans, cette dernière rencontre régulièrement la thérapeute. A tous les stades de l’évolution de la maladie, elle a trouvé une écoute attentive. Et de conclure par un message: «Devant une telle situation, avec une maladie qui touche le cerveau et les capacités intellectuelles, il ne faut pas rester seul, mais respecter ses limites et accepter de l’aide. Cela permet de vivre tellement mieux les événements.»

* prénoms d’emprunt

Texte: 

  • Giuseppe Costa

Photos: 

  • Pulsations
Partager
En savoir plus

Mots clés: 

Autres articles