En cas de douleurs lombaires, rester allongé a des effets néfastes alors qu'au contraire, plus ont vit normalement plus la situation s'améliore. Pour les cas plus tenaces, les HUG proposent une prise en charge multidisciplinaire pour remettre le corps en harmonie.
« J'me sens tout mou. Flagada. Raplapla. Il faut E-LI-MI-NER. Buvez. Eliminez. Cavaler, gigoter... courir et pédaler. » Si ce slogan célèbre a fait la fortune d'une eau minérale, il pourrait presque s'appliquer mot pour mot... aux maux de dos. Le Dr Stéphane Genevay, médecin adjoint agrégé au service de rhumatologie, ne cesse de marteler un seul message: « Le mal de dos le plus fréquent est la lombalgie commune aiguë. Elle correspond à des douleurs dans le bas du dos. Dans le langage courant, on parle de tour de rein ou de lumbago. C'est certes douloureux, mais pas grave: bougez selon vos douleurs ! Fini, le lit strict. Des études ont montré l'effet néfaste d'un repos complet. »
On estime que huit personnes sur dix souffriront au moins une fois dans leur vie d'un mal de dos. Que se cache derrière ce problème ? On distingue trois grandes catégories de lombalgies: les spécifiques, les neurologiques et les communes. Les premières représentent à peine 5% des cas. Elles regroupent des affections rares: tumeur, maladie inflammatoire, infection d'un disque intervertébral (spondylodiscite), fracture. L'imagerie - radiographie, imagerie par résonance magnétique (IRM) - est indiquée pour les déceler. Les deuxièmes comprennent deux situations: le canal lombaire rétréci (5%) qui provoque notamment une claudication et des douleurs à la marche dans les deux jambes et la hernie discale (15%) qui nécessite parfois une intervention chirurgicale (lire Quand faut-il opérer une hernie discale? ). La troisième est de loin la plus fréquente (75%), raison pour laquelle est appelée lombalgie commune. Les douleurs peuvent également descendre dans les jambes, mais sans atteinte neurologique.
Répercussions sur le quotidien
La lombalgie commune englobe aussi bien la gêne après une journée assis devant un ordinateur que le blocage douloureux, mais bref. « Cela a généralement peu de conséquences sur la vie de tous les jours. Les gens ne consultent pas et ils ont raison », relève le Dr Genevay. Dans certains cas toutefois, des situations sans gravité médicale ont d'importantes répercussions sur le quotidien des personnes. « L'imagerie nous indique qu'il n'y a pas de dommage spécifique, mais il existe pourtant un réel problème lombaire qui entraîne parfois d'énormes souffrances que nous devons prendre en compte », assène le rhumatologue.
Si la sédentarité, l'obésité et le tabagisme sont des facteurs de risque, quelle est la cause de ces maux de dos intempestifs ? On l'ignore. Depuis une récente publication, on penche pour une nouvelle explication: le plus souvent, le déclencheur est une activité réalisée dans un moment de distraction. « Quand on bouge, on active des muscles et des articulations progressivement, par phases d'accentuation, puis de régression. Si toutes ces structures ne sont pas synchronisées, qu'il y a un comportement musculaire inadéquat, une mauvaise coordination, cela peut conduire à des douleurs et des blocages. La cause est donc un dysfonctionnement: un peu comme lorsqu'un ordinateur se bloque, le problème concerne le software et non le hardware », détaille le Dr Genevay.
Reprendre confiance
Dans la phase aiguë (moins d'un mois), le traitement consiste à prendre des médicaments antidouleur et anti-inflammatoires, accompagnés de médecine manuelle (manipulation par un physiothérapeute, un chiropracticien ou un ostéopathe) et de physiothérapie active. Dans la plupart de cas, le problème est traité en quelques jours ou semaines. « Le message qu'il faut bouger est difficile à faire passer chez des gens qui ont du mal. Pourtant, même si on met un peu de temps à en voir les effets, c'est la meilleure solution », insiste le Dr Genevay. Comment adapter ses mouvements ? Le spécialiste donne toujours le même conseil aux patients : si l'exercice provoque une douleur telle qu'on doit se reposer après, en est allé trop loin. Lorsque le mal de dos persiste au-delà de trois mois ou que les épisodes récidivants sont de plus en plus fréquents, on parle de chronicité. Avec, dans certains cas, un impact majeur sur leur vie sociale et professionnelle (arrêt de travail longue durée) ayant des répercussions psychologiques (lire Bouger sans peur). « L'anxiété, la dépression et la peur de bouger sont à la fois un facteur de risque et une conséquence des maux de dos. Une spirale qu'il faut casser », note le rhumatologue. Pour ces cas les plus difficiles, les HUG offrent des prises en charge multidisciplinaires, uniques à Genève. Deux programmes sont proposés à l'Hôpital Beau-Séjour : ProMIDos et PRODIGE (lire Reprendre le contrôle de son dos). « Il faut redonner confiance à ces personnes pour qu'elles soient de nouveau capables d'effectuer certains mouvements et améliorer ainsi leur qualité de vie », note le Dr Genevay. Afin que si elles ne cavalent ni ne gigotent, du moins qu'elles bougent.
Le renforcement des muscles a un rôle protecteur sur la colonne.
Rôle clé du physio
En cas de maux de dos, le physiothérapeute est incontestablement an acteur central. « Avant tout traitement, nous examinons la personne pour observer sa manière de se tenir et de bouger, ainsi qu'un éventuel déficit de la force musculaire. Une fois ce bilan effectué, nous choisissons les manœuvres et les exercices les mieux adaptés à chacun », relève Jean-Paul Galice, physiothérapeute, responsable du secteur locomoteur. Pour soulager les douleurs liées à une crise aiguë, les méthodes passives : massages, techniques de mobilisation visant à mobiliser certaines parties de la colonne vertébrale, applications chaudes ou froides. Pourtant, rapidement, le physiothérapeute va passer à un traitement actif qui sollicite sa participation. « Nous l'amenons à reprendre conscience de son dos et l'encourageons à se prendre progressivement en charge. Notre objectif est de la remettre en mouvement même s'il a mal : malgré la douleur, il peut effectuer une grande partie des activités courantes. Il faut l'encourager à bouger dans la direction qui soulage le plus », détaille Jean-Paul Gallice.
Gainage et souplesse
Cela passe par le renforcement des muscles profonds (gainage) qui ont un rôle protecteur sur la colonne et entrent en action automatiquement avant chaque mouvement contraignant. Mais aussi par des exercices améliorant le sens de la position du corps dans l'espace et par des étirements qui augmentent la souplesse. Une meilleure mobilité des membres est synonyme de réduction des contraintes sur la colonne. « Des gestes simples, praticables également en piscine, et dont on peut petit à petit augmenter l'intensité et la complexité », ajoute la physiothérapeute. Sans oublier la relaxation qui permet de mieux connaître son corps et de le détendre de toute tension excessive.
Dossier maux de dos
- Les maux de dos se soignent… en bougeant
- Reprendre le contrôle de son dos
- Mal de dos : vrai ou faux ?
- Bouger sans peur
- Quand faut-il opérer une hernie discale ?
Texte:
- Giuseppe Costa
Photos:
- Pulsations
J'ai envie de comprendre le mal de dos
Dr Stéphane Genevay et Elisabeth Gordon, Editions Médecine et Hygiène, 2014